Connaître ses droits et ceux des autres limite les conflits (Juillet 2010)

Article rédigé par Dieudonné Moukouamou Mouendo



(Syfia/CRP) Faire connaître leurs droits aux personnes sans ressources, les aider à résoudre leurs problèmes à l’amiable ou à rédiger des plaintes pour le tribunal : c’est le travail que font les cliniques juridiques à Brazzaville. Leurs difficultés à travailler ensemble nuisent cependant à leur efficacité.


Accusé de vol puis licencié, Lionel Nycoud, ignorant ses droits, ne savait que faire. Après trois mois de chômage, il a retrouvé son travail grâce à l’aide d’une clinique juridique. "Un ami m’a conseillé d’aller à la clinique du Comptoir juridique junior (CJJ). Là-bas, ils m’ont écouté et orienté mon dossier vers l’Inspection du travail. Cette dernière a convoqué mon patron et nous avons pu trouver une solution", explique-t-il, visiblement satisfait d’avoir été réembauché. À Brazzaville, des personnes, sans moyens financiers ou qui ignorent leurs droits, bénéficient de l’aide des cliniques juridiques.

La ville compte aujourd’hui six structures de ce genre : la clinique juridique du CJJ, celle de Bacongo, l’Association des femmes juristes du Congo, l’association Mibeko (les lois, en lingala), Humanico et l’Association panafricaine Thomas Sankara. Ces deux dernières sont basées à Brazzaville, mais leurs activités s’étendent respectivement à Dolisie et à Kinkala, deux villes du sud du pays. Ces cliniques apprennent ou rappellent à leurs bénéficiaires leurs droits, rédigent des plaintes pour eux ou leur évitent les tribunaux en trouvant des solutions à l’amiable. De 2003 à 2005, par exemple, selon les derniers chiffres disponibles à la clinique du CJJ, celle-ci a assisté environ 3 860 personnes et a assuré environ 180 médiations. "Quand une personne arrive, raconte Patrick Landry Bitseke, chargé des projets et programmes, nous l’écoutons, puis nous la conseillons et lui donnons une ligne de conduite." Quant à la Clinique juridique de Bacongo, elle a connu de 2003 à 2004, selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) de 2007, un taux de fréquentation de 16 personnes par jour et a traité 1 500 dossiers de médiation et 80 d’assistance juridique dont 60 dossiers portés devant les tribunaux ont abouti.

Problèmes de parcelle, licenciement, etc.

Après plus de 40 ans de mariage, Élisabeth, 65 ans environ et mère de six enfants, a été confrontée à un conflit de parcelle, vendue à son insu par son mari. La clinique du CJJ, après avoir proposé une médiation qui a échoué, l’a aidée à rédiger une plainte et à constituer un dossier qu’elle a déposé au tribunal. L’affaire est en cours. "On nous a parlé de la façon de vivre dans un foyer conjugal, ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Mais, mon mari a préféré le tribunal", déclare-t-elle, en précisant qu’elle avait choisi, sur les conseils de sa sÅ“ur, les services d’une clinique afin d’éviter de payer au moins 15 000 Fcfa (23 €) à un avocat pour qu’il rédige la plainte et 300 000 Fcfa (457 €) pour qu’il assure sa défense.

Quand elles étaient encore soutenues par le PNUD et l’Union européenne (UE), les cliniques juridiques s’occupaient d’un peu de tout : conflit de parcelle, licenciement, crise conjugale... À présent en rupture de financements, elles ont réduit leurs activités. "Nous avions expérimenté des cliniques juridiques mobiles dans les paroisses, les marchés, les arrondissements. Les gens venaient soumettre directement leurs problèmes. Aujourd’hui, cela n’existe plus…", regrette Patrick Landry Bitseke, qui précise que sa structure ne fait plus du porte-à-porte comme avant, mais continue à recevoir quelques personnes.

"Difficultés à travailler ensemble"

Selon Vanessa Dick, chef de secteur Économie, gouvernance et secteurs sociaux à la Délégation de l’Union européenne au Congo, l’UE avait prévu environ 125 000 € pour le projet, mais n’a payé pour l’instant que quelque 37 000 € en huit mois environ. Les financements ont cessé, ajoute-t-elle, car le projet source était arrivé à son terme, mais aussi à cause d’une exécution décevante : "Le problème principal n’a pas été les capacités de chaque clinique, mais plutôt leurs difficultés à travailler ensemble en consortium." Vanessa Dick dit avoir malgré tout réinscrit les cliniques dans un prochain projet d’assistance juridique qui pourrait être exécuté en 2011. "Mais, cela sera assujetti à plusieurs conditions préalables afin d’éviter les écueils de 2009", prévient-elle.

Maître Quenum, avocat à la cour de Brazzaville, milite, lui aussi, pour plus de clarté dans les missions de ces structures et souhaite qu’on définisse leurs tâches par un texte juridique "pour éviter que leur action ne soit perçue comme une concurrence déloyale par les huissiers et les avocats". À côté de cela, il loue cette initiative qui "aide les justiciables à bien comprendre le fonctionnement du droit dans notre pays."


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