L’organisation d’une communauté, et les règles qu’elle se donne, acceptées et consenties librement par ses membres, permettent parfois de résoudre plus facilement les conflits, que ne le font les seules lois officielles, lesquelles souvent ne prennent pas en considération la réalité sociale vécue par le groupe. C’est par exemple le cas au Maroc où certaines communautés paysannes gèrent entre elles l’accès à l’eau de la rivière et établissent elles-mêmes les règles qui rendent cette gestion possible.
De même en Espagne, à Valencia, un tribunal des eaux siège depuis plus de 1 000 ans, une fois par semaine, devant la cathédrale pour juger les affaires relatives à la gestion de l’eau dans la zone agricole. Les juges ne sont pas diplômés en droit, ce sont des agriculteurs reconnus pour leurs compétences et leur expérience, nommés démocratiquement par leurs pairs.
Ces pratiques font de ces acteurs des producteurs de droit à l’image de ceux qui, en France, exploitent au mieux la loi de 1901 sur les associations. En posant un principe -la liberté de s’associer- et une seule condition -être deux-, cette loi donne la possibilité aux personnes qui ont un projet en commun de définir, en élaborant elles-mêmes les statuts de l’association, le cadre des droits et des obligations dans lequel évoluera leur projet.
Produire du droit, c’est aussi pour des artisans pêcheurs chiliens se mobiliser, à partir des caletas (lieux de vie où s’organisent la vie des communautés, leur commerce et les règles de la pêche), pour faire promulguer une loi de "Politique Nationale de Développement Artisanal". Les politiques publiques et les lois en vigueur ne permettant pas de défendre ce qui leur paraissait essentiel et juste pour leur communauté, ils ont contraint les dirigeants politiques à reconnaître la légitimité de leurs revendications et ont proposé des solutions qu’une loi a officialisées. Ils sont ainsi devenus les producteurs du droit et non plus seulement ses destinataires.
Cette situation fait écho à celle du peuple aborigène des Jawoyns, en Australie, qui s’est battu pour qu’on lui reconnaisse un droit de propriété sur la terre, droit qui était le sien jusqu’à la colonisation. Sa lutte juridique et judiciaire a duré 17 ans mais il est parvenu, en négociant avec l’Etat et les investisseurs miniers, à obtenir les titres de propriété ainsi que la reconnaissance de son droit coutumier, à savoir : les règles que la communauté avait élaborées et qui définissent les devoirs que chacun a envers la terre.