Ile de Eigg, archipel des Hébrides (Ecosse)
La situation juridique de la terre dans les Highlands : une terre dominée par les propriétaires terriens A maints égards, la situation juridique de nombreux habitants du nord de l’Ecosse (Royaume-Uni) relève encore d’un régime quasi-féodal. Dans les Highlands, un petit nombre de propriétaires terriens, les landlords, en vertu de lois ancestrales, possède la terre et les donne à cultiver à des tenanciers. Ces derniers, quant à eux, sont sans droits. Ils ne disposent d’aucun bail d’habitation et risquent l’expulsion à tout moment. Mais, pour la plupart des tenanciers qui se trouvent dans cette situation, obéir aux landlords relève du respect de la tradition écossaise... L’île de Eigg Telle était, jusqu’il y a peu, la situation de l’île de Eigg, dans l’archipel des Hébrides. Rocher couvert de fougères et d’orchidées, dominé par le piton volcanique du Sgarr, à 400 mètres d’altitude, l’île attire nombre d’amoureux de la nature. Eigg compte 64 habitants. De nombreuses générations de fermiers ont occupé l’endroit, sans que jamais aucun de leurs aïeux n’aient songé à se rebeller contre la loi des propriétaires qui se sont succédés au-dessus d’eux. En 1997, cependant, les habitants ont acheté leur île. Quel est le processus qui les a amené à prendre cette décision et comment sont-ils parvenus à atteindre cet objectif ? Depuis 1824, date à laquelle les MacDonalds, chefs historiques dans la région, ont vendu la terre ancestrale, pas moins de sept propriétaires ont veillé aux destinées de l’île et de sa population. Avec chacun ses fantasmes. Dans les années 20, par exemple, le propriétaire de l’époque exigeait que ses "sujets" s’alignent de part et d’autre de la route, sur son passage, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Les relations avec l’un des ultimes propriétaires furent désastreuses. L’avant-dernier landlord, un industriel du Yorkshire, issu d’une famille du Lichtenstein, voulait faire de l’endroit un paradis touristique. Mais ses projets étaient fumeux. Il voulait bâtir un complexe hôtelier couleur locale avec hommes en kilt et vieilles chaumières. Pour atteindre son but, il divisait les habitants pour mieux régner sur eux et il menaçait certains d’entre eux, dont les familles occupent l’île depuis des générations, de les expulser. En 1995, il remit finalement l’île en vente, qui fut rachetée 1,6 million de livres. A peine débarqué, l’ultime propriétaire vend tous les moutons et toutes les vaches de l’île. Il tente ainsi d’engranger un maximum de profits avant de la remettre en vente. C’est alors que les habitants de Eigg en appellent au conseil des Highlands et à la Société écossaise de protection de la nature. Ils lancent, avec leur appui, le premier appel public à souscription avec l’intention de devenir eux-mêmes les futurs et derniers landlords. Avec la complicité d’un informaticien, un serveur électronique a été mis sur pied et un appel international à souscription a été lancé sur Internet. Les offres d’assistance financière se sont bien vite affichées sur les écrans, des montants allant de 50 pences à 1 million de livres sterling. Cette dernière somme, ajoutée à celles versées par des sociétés d’Ecossais émigrés au Canada, des amoureux de la nature, des touristes enchantés par leurs vacances sur l’île ou de simples anonymes, a permis finalement aux habitants d’aquérir l’île. Les îliens propriétaires de Eigg pour la première fois de son histoire Les projets les plus immédiats visent maintenant à rendre l’île économiquement autosuffisante¤ : redémarrer la ferme et l’épicerie abandonnées par un des propriétaires précédents, faire revenir le bétail, obtenir les financements nécessaires pour protéger les champs contre les ravages des lapins, relancer l’agriculture et reboiser les collines. L’imposante bâtisse seigneuriale, une grande demeure de style colonial italien, bordé d’un parc aux essences rares, devrait servir de centre de conférences pour universitaires. Un des grands défis auxquels se trouvent confrontés les îliens est également de faire revenir les jeunes sur Eigg, car la moyenne d’âge y est actuellement de 40 ans. Les enfants des îliens avaient émigré sur le continent afin d’y trouver du travail. La communauté des habitants est donc devenue propriétaire de l’île, de multiples projets sont à l’oeuvre et il faut espérer que l’exemple de Eigg sera suivi demain par des milliers d’autres dans les Highlands.