Dans un ouvrage collectif qui fait état de différentes questions sur la manière d’appréhender le droit, Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, chercheur au CNRS et praticien, de l’Université Lumière-Lyon II, traite de la médiation. La médiation ne se borne pas pour lui à donner une réponse à la crise de l’institution judiciaire. Elle doit s’analyser comme un nouveau mode de régulation sociale, une tendance de nos sociétés vers un plus grand pluralisme des systèmes de règlements des conflits. La médiation annoncerait l’émergence d’un ou de nouveaux modèles de régulation sociale, reposant sur une vision pluraliste, à la fois des modes de règlement des conflits mais aussi des sources du droit. De nouveaux modes de régulation sociale¤ ? L’Etat-providence, en s’infiltrant dans tous les domaines de la vie sociale, par l’inflation du droit écrit et une juridicisation à outrance, a dépossédé les gens des liens de solidarité qui existaient au sein de communautés telles que la famille, l’église, le quartier, les syndicats,... Par juridicisation, on entend "la propension à entamer un litige, à faire valoir des prétentions ou plus généralement à affirmer ses droits, à travers un recours accru aux tribunaux"(Arnaud André-Jean, Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1988, 487p). Les relations sociales se sont marchandisées. Selon Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, une des issues à la crise actuelle passe par moins d’Etat et moins de marché. De nouvelles formes de régulation sociale émergent, qui font appel aux notions de confiance et de compromis et qui remettent en question le modèle de régulation basé sur le principe de la délégation, c’est-à -dire le pouvoir de gérer les conflits attribué en exclusivité aux professionnels du droit. Le développement ou l’émergence de ces formes de régulation sociale sur une base consensuelle, ne doit pas être analysé en terme d’alternative ou d’opposition à des modèles plus conflictuels, mais comme une évolution qualitative de nos sociétés, vers une plus grande pluralité et vers une complexité des formes de régulation sociale. Vers un pluralisme juridique La médiation introduit une nouvelle donnée normative au sein de l’ensemble du système social. La gestion des relations sociales y participerait à un modèle général de négociation permanente ou respecterait une éthique de la discussion. La société souffre du manque de communication entre ses membres et il est nécessaire de restaurer les liens qui ont été rompus. Les parties ne sont plus perçues comme de simples personnes porteuses de droits mais comme des sujets avec des besoins : les besoins constituent les motivations réelles des litiges, alors que les droits n’en seraient que des justifications. Dans ce contexte, il s’agit avant tout de restaurer l’harmonie entre les parties, plutôt que de rechercher à déterminer une responsabilité basée sur une éventuelle faute, de construire de nouvelles relations, plutôt que de surmonter des désaccords entre des personnes qui doivent continuer à vivre ensemble. Si la médiation participe à la construction d’un droit spontané et si elle estompe la distinction entre normes juridiques et normes sociales, il faut dès lors se poser la question de la légitimité des décisions consensuelles, légitimité par rapport au droit formel, légitimité surtout par rapport à l’idée de justice. Pour Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, l’équivalence, c’est-à -dire la proportionnalité entre la faute et la sanction, serait un outil pertinent pour apprécier le caractère juste ou injuste des décisions de médiation. Le droit est plus grand que l’ensemble des sources formelles du droit. L’existence de ce pluralisme juridique doit être recherchée dans la société elle-même. Dans ce cadre, la médiation est porteuse d’un nouveau système normatif qui fait appel en priorité à la notion d’équité. En matière de production de normes, la médiation fait des individus des acteurs, des sujets de leur conflit. La médiation va également dans le sens d’une plus grande décentralisation, mais aussi d’une participation plus active des individus ou des groupes dans la production des normes en société.