Médiation sociale dans la région de Thionville




"Monsieur et Madame A. habitent un petit pavillon à la campagne. Ils souffrent depuis vingt ans de nuisances sonores provoquées par leur voisin. Monsieur B. se livre en effet à d’incessants travaux de bricolage et à des activités agricoles. Après avoir en vain contacté le maire et la gendarmerie de leur commune, ils entendent parler d’un service de médiation sociale. Découragés, ils viennent exposer leur version des faits. Les médiateurs constatent une absence totale de communication entre les protagonistes. Des modes de vie très différents conduisant à une incompréhension réciproque semblent être à l’origine du conflit. Les médiateurs organisent une rencontre au cours de laquelle un dialogue est rétabli pour la première fois depuis vingt ans. Un protocole est alors signé, dans lequel : - A s’engage à contacter son voisin au cas où les bruits redeviendraient excessifs, - B s’engage à respecter les horaires réglementant le bruit, et à diminuer l’intensité sonore de ses travaux". Bruits, mésententes, dégradations, petits délits gâchent la vie quotidienne de beaucoup de gens et cet ensemble de comportements d’incivilité crée un sentiment d’insécurité. Dans l’agglomération de Thionville, en Moselle (Est de la France), depuis 1994, municipalités et bénévoles ont créé un service de médiation sociale de voisinage. Ce projet fut lancé dans le but de lutter contre la fragilisation du tissu social. Les partenaires locaux susceptibles de s’impliquer ont été sensibilisés et le public a été informé sur les principes et les modalités de la médiation. Aujourd’hui une équipe de médiateurs bénévoles accueille, écoute et tente de réconcilier les usagers en conflit. La nature des différends relève de problèmes qui ne font généralement pas l’objet d’un traitement judiciaire mais qui prennent souvent une tournure dramatique. Il n’est pas rare de voir arriver des personnes en "bout de course", frustrées de ne pas avoir été entendues. Pour certains, c’est un soulagement de parler de leur souffrance. Cette souffrance s’accompagne souvent d’une extériorisation émotive qui, une fois exprimée, laisse place à l’apaisement. Dans certains cas, l’écoute attentive et désintéressée suffit à calmer ou à dédramatiser le conflit. La plupart des personnes s’adressant au service de médiation ont été informées de l’existence de ce service par la police ou par la mairie. De même, quand la nature du conflit n’est pas du ressort du médiateur, celui-ci oriente les personnes vers un service ou un organisme compétent. Ainsi peuvent être sollicités les conciliateurs de justice, les avocats, les services sociaux... Dès que le partenariat est établi, c’est tout un réseau de personnes impliquées dans la résolution des conflits qui fonctionne. Des permanences hebdomadaires ou bimensuelles se tiennent dans des lieux publics. Elles sont assurées par deux médiateurs, dans un souci d’objectivité et de neutralité. Cette formule leur permet, au terme de chaque entretien, d’échanger leur ressenti, de tester leur objectivité et de s’adresser des critiques constructives. Les temps de rencontre entre les parties sont fixés en dehors des temps de permanence. Ce fonctionnement garantit une disponibilité totale dont dépend en partie l’issue de la médiation (certaines durent plus de deux heures). Quelquefois des éléments importants, nécessaires à la compréhension du conflit, apparaissent tardivement au cours de l’entretien. Les médiateurs agissent avec beaucoup d’humilité et ne se prennent ni pour des "justiciers de quartier" ni pour des juges. Ils trouvent normal de consacrer une partie de leur temps au service de leurs concitoyens, ils sont soumis à des principes éthiques consignés dans une charte et peuvent, en vertu d’une clause de conscience, refuser pour des raisons personnelles de participer à une médiation. Les médiateurs bénéficient d’une formation, assurée par l’association "Emergence", sur les aspects relationnels inhérents à tout acte de médiation et sur certains points juridiques. Des réunions de supervision sont programmées toutes les six semaines. Elles permettent d’échanger les expériences, d’exprimer des besoins en formation, d’évoquer des cas épineux, de se libérer des tensions accumulées au cours des médiations. C’est aussi le lieu où sont rappelés et discutés les principes éthiques de la médiation, qu’il convient d’avoir sans cesse à l’esprit, pour éviter des dérives toujours possibles. Depuis la création du service, le nombre de dossiers augmente chaque année. Pour les dossiers faisant l’objet d’une médiation le taux de réussite avoisine les 80%. Cependant, même en cas de refus, la simple lettre d’invitation à venir en médiation reçue par l’autre partie suffit parfois à régler le conflit. Mais la médiation suscite souvent des réticences. Il est donc nécessaire d’en exposer les principes aux usagers, habitués à un mode de résolution des conflits impliquant un coupable. La médiation repose sur la libre volonté des participants et sur l’idée de responsabilisation individuelle. Le succès n’est jamais assuré, car elle s’intéresse à des différends parfois complexes et met en jeu une confrontation des discours. Le médiateur doit faire preuve de patience et être créatif. Il doit savoir susciter les forces de dialogue, d’ouverture, de tolérance car la médiation consiste à permettre aux personnes de trouver elles-mêmes les solutions à leurs conflits.


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Mots-clés Changement social - Citoyenneté - Lien social - Médiation - Médiation sociale - Mode de règlement de litiges - Régulation sociale - Résolution des conflits -

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