L’évolution du droit positif

Un exemple : le mariage (France)




Le fait peut-il infléchir le droit positif ? En particulier, lorsque celui-ci tend à ne privilégier que ceux qui participent au modèle social dominant ? Par exemple, le Code civil français, inspiré du Code napoléonien de 1804, ne reconnaît l’union entre deux personnes et de sexes différents que sous la seule institution du mariage - reléguant dans des espaces d’infra ou de non-droit les couples hors mariage (même si les concubins ont acquis quelques droits, ceux-ci restent fragiles notamment en matière de retraite, de successions ou de patrimoine). En revanche, des pays en Europe, comme le Danemark, la Norvège, la Suède et l’Islande ont reconnu un statut spécifique au couple homosexuel, bénéficiant ainsi de dispositions fiscales et successorales semblables à celles des conjoints hétérosexuels. En France, en juin 1997, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale visant à créer un Contrat d’union civile et sociale (CUCS), dénommé depuis Pacte civil et social, puis Pacte civil de solidarité (PACS). Celui-ci permettrait à deux personnes, quel que soit leur sexe, et partageant un "projet commun de vie", d’acquérir des droits en matière de logement, de sécurité sociale, de succession, d’impôts (déclaration de revenus commune) et de retraite ... à l’instar des droits dont bénéficient les personnes vivant maritalement. Il faut noter qu’il ne faut pas spécialement une relation amoureuse. Sont concernés, les couples hétérosexuels ou homosexuels mais aussi deux membres d’une même famille (sauf s’ils sont ascendants ou descendants en ligne directe), deux étudiants, deux personnes âgées, ou même deux religieux. En Espagne, une proposition de loi, s’inscrivant dans le même esprit, est actuellement à l’étude en commission parlementaire. Est-ce sous la pression de tout un mouvement plus visible et mieux organisé, qu’un débat commence à se dégager sur la nécessité de faire évoluer le droit privé afin qu’il soit plus adapté à la réalité ? L’actuel contexte socio-politique et culturel est-il plus propice qu’autrefois à une reconnais-sance légale et publique d’autres formes d’unions ? Ou s’agit-il d’une simple manoeuvre politique, réalisant qu’il y a là tout un électorat à conquérir ? Quoiqu’il en soit et, sans doute s’agit-il de la combinaison de tous ces facteurs, si cette proposition de loi devenait loi, l’on peut se demander si elle marquera une première étape d’un processus juridique plus large, ou si elle sera une solution juridique ponctuelle qui, une fois consentie (avec au demeurant, le risque qu’elle le soit au "rabais"), fermera la porte à toutes revendications futures par ailleurs. Dans ce contexte, il importe donc que la dynamique de revendication ne se consumme pas, avec le dépôt de cette proposition de loi, mais qu’elle reste en éveil afin de s’assurer de l’émergence, puis de l’application, des nouveaux droits. Car il importe de comprendre que le droit est bivalent : qu’il peut être un outil de contrôle social tout comme un instrument de lutte et de consensus sur les résultats de cette lutte. Qu’il est à la fois le reflet des rapports en société et aussi destiné à assurer la reproduction de ces rapports. Qu’il n’est pas neutre, qu’il a un contenu politique, qu’il peut donc renforcer ou maintenir certaines dominations ou certains modes de vie dominants, mais qu’il peut aussi servir d’instrument pour des changements, à la condition d’être réapproprié par les populations concernées, en particulier par les minorités dominées.


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Mots-clés Changement social - Droit - Droit des personnes - Etat - Famille - Loi - Réforme du droit - Société civile -

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