Des multiples manières de rendre la justice plus proche des gens
La justice de proximité" était le thème du séminaire organisé à l’initiative de Jacques Faget, juriste et sociologue, de l’Institut d’études politiques de Bordeaux (France) et de Anne Wyvekens, chargée de recherche au CNRS, Montpellier (France), auquel Juristes-Solidarités a participé, en juin 1997. Ce séminaire s’est tenu à l’Institut international de Sociologie juridique d’Oñati (Pays basque espagnol). Le séminaire réunissait une quinzaine de personnes (chercheurs, praticiens, juristes et non juristes) provenant de divers pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni, Suisse). Une des conclusions apportées lors de ce séminaire est que la notion de "justice de proximité" est encore floue. Elle recouvre diverses réalités, tout dépend de la manière dont on appréhende la proximité et ... la justice. Et, dans ce sens, on devrait parler de justices de proximités, au pluriel. Le séminaire a tenté d’aborder cette notion sous différents angles. La proximité peut s’appréhender en termes organisationnels, lorsque la justice se situe à un niveau plus local. Toutefois, il semble que ce ne soit pas tant la proximité du lieu qui rende la justice proche des justiciables, que la capacité de ces derniers à investir ce lieu avec leur propre réalité, socio-économique et culturelle. Rendre proche signifie aussi faire entrer des non-professionnels du droit pour gérer des affaires judiciaires. C’est aussi modifier les normes abstraites pour les rendre plus réelles, plus concrètes, plus vivantes. Etre proche peut signifier aussi être plus respectueux de l’usager du droit, qu’il soit reconnu comme personne à part entière à l’intérieur du Palais ou à l’extérieur, qu’il se sente écouté, rassuré¤... Exercer une justice de proximité peut s’entendre aussi dans le sens d’une justice rendue par des proches, c’est-à -dire des pairs, avec leurs propres normes ... En France, sous ce terme, est entendu ce que le discours politique officiel désigne par "Maisons de justice". L’expression apparaît en 1992 avec la volonté politique de restaurer le droit dans les quartiers dits hors droit. Ceci, en délocalisant le système judiciaire : un local, une "maison", est implanté dans un quartier dit "à problèmes" en vue de répondre à la question dite de l’insécurité ; en traitant, d’une part, de la petite délinquance, dans un esprit de médiation pénale et, en organisant, d’autre part, un ensemble de permanences destinées à favoriser l’accès à l’information sur le droit. Une expérience similaire et encore pilote est menée également aux Pays-Bas. En Belgique, l’idée de créer des maisons de justice a été lancée par le Conseil des ministres l’été 1996. Ces maisons de justice n’y sont encore que de grandes boîtes vides qui restent à remplir mais ... "quitter le palais pour s’installer dans une plus modeste maison suffira-t-il pour rendre la justice plus proche des citoyens ?" (Le Soir, Belgique, le 24 juin 1997). Le débat central suscité par cette question s’articulait autour de la question de savoir si ces maisons installées, dans des quartiers dits difficiles, entraîneraient une socialisation de la justice, en particulier pénale, ou une pénalisation du social. L’expérience le dira ...