Droit et contrôle social

Un aspect démographique de la justice




Dans un ouvrage collectif consacré aux peuples indigènes au Mexique et au droit (Pueblos indígenas ante el derecho), un des auteurs, Roberto Varela, s’intéresse à la relation possible entre le droit et la démographie. Selon Varela, le premier stade du contrôle social est celui que l’individu exerce sur lui-même. Les membres d’un groupe exercent ce contrôle de manière à permettre la convivialité. Le problème est la lourdeur du contrôle : une personne ne peut se contrôler elle-même et contrôler le fait que les autres se contrôlent. En société, les individus demandent à d’autres individus de les contrôler, avec une panoplie de normes et de sanctions. Mais donner le pouvoir de contrôler, à quelques-uns, crée des structures de subordination ; et ce qui était une protection devient une menace dont l’individu doit se défendre. Pourquoi ? La valeur d’une personne est différente selon qu’elle se trouve dans une société simple ou dans une société complexe. Dans les sociétés à technologie simple, la finalité d’un processus juridique, dans le cadre d’un conflit, n’est pas l’imposition d’une sanction mais la réconciliation avec les autres membres du groupe. La variable démographique est une des conditions qui rendent possibles les procédures de réconciliation. Quand les membres d’un groupe sont nombreux, la réincorporation du délinquant importe peu. Dans les sociétés complexes, les délinquants sont mis en prison, sans tenir compte des relations sociales que l’incarcération brise et sans même que l’emprisonnement modifie la conduite délictueuse (récidive, ...). C’est uniquement quand la société juge que la personne condamnée peut -encore- lui apporter quelque chose, que la société accorde les moyens de la réinsérer. Les sociétés complexes disposent de tant de membres que la perte de quelques uns ne l’affecte pas. Dans les communautés simples, au contraire, c’est la volonté de ressouder les liens sociaux et de réintégrer l’individu qui importe. Certes, il y a toujours le danger de la manipulation, de réintégrer une personne pour mieux l’exploiter. Mais toutes les personnes possèdent une valeur telle que la société ne peut pas se permettre d’en perdre une seule. Cette considération démographique est importante, parce qu’elle détermine la valeur des procédures de réconciliation en fonction du niveau de complexité sociale et culturelle où s’intègrent ces procédures.


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Mots-clés Anthropologie juridique - Communauté - Contrôle social - Culture - Démographie - Diversité culturelle - Droit - Droit coutumier-droit étatique - Justice - Justice communautaire -

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