La justice est de la responsabilité de tous

Une critique de la justice par le ministre argentin de la justice




Raúl Granillo Ocampo, ministre argentin de la justice, a profité de l’opportunité laissée par la rubrique "Tribune ouverte" du journal Clarín pour présenter sa conception de la responsabilité conjointe dans l’exercice des tâches dans l’administration de la justice. La justice, c’est-à-dire les institutions du système judiciaire, est très critiquée dans le pays. La critique porte -hélas, le fait n’est pas particulier à l’Argentine- sur la complexité, la lenteur et la médiocrité des résultats dans l’activité des organes judiciaires, accusés en outre -à tort ou à raison, précise Raúl Granillo- d’être ligués aux autres pouvoirs de l’Etat. Ces critiques ne sont pas neuves mais elles sont formulées avec plus de virulence qu’autrefois. A cela, quel remède propose donc le ministre ? La justice est une tâche que le gouvernement partage avec la communauté, affirme-t-il. La justice, définie comme "l’équilibre entre les relations sociales en accord avec un droit fondé sur certaines valeurs", doit être partagée socialement et institutionnellement. La tâche fondamentale du gouvernement est de veiller aux garanties de ce partage et au fonctionnement correct de la justice. Avant d’envisager les manières de concrétiser ces différentes propositions, Raúl Granillo se félicite, pour ironique que cela puisse paraître, de la résurgence de cette vision critique. Il y a quelques années, les revendications se limitaient à des améliorations purement économiques et masquaient les injustices graves. Celles-ci étaient dissimulées sous des termes tels que l’inflation, la récession, la stagnation, ou sous des préoccupations comme le comportement des services publics, déficitaires et obsolètes, ou la manière de procéder des entreprises qui influencent le prix des choses. Mais, selon lui, ce n’est pas en augmentant les capacités classiques de la justice que seront résolus les problèmes structurels de la justice argentine, la recrudescence des litiges, le caractère de plus en plus complexe de la technique juridique, le sentiment de l’impunité [NDLR : ce terme n’est pas utilisé par le ministre mais il recouvre ici, selon nous, un autre sentiment de celui qui est habituellement perçu en Argentine, en relation avec l’amnistie dont profitent les personnes coupables de délits commis durant les années de la dictature militaire]. Il dit : "Ce n’est pas en créant plus de tribunaux ni en spécialisant les juridictions que nous parviendrons à une société plus juste". Plusieurs pistes de solution sont avancées, dont l’amélioration de l’accès à la justice. Solutions classiques : l’attribution d’un pouvoir d’instruction au ministère public, l’audience unique pour différents types de jugements, l’extension, dans les conflits civils, du travail et commerciaux, des jugements oraux et publics en vigueur dans le droit pénal¤ ; mais également des propositions originales déjà expérimentées, comme la médiation institutionnelle. Ici, la médiation obligatoire est vue comme pouvant donner des résultats satisfaisants. Elle évite aux parties des coûts psychologiques et économiques pour un jugement aux délais normalement incertains et elle permet aussi d’alléger le nombre des affaires à traiter. La médiation obligatoire existe déjà en matière de droit du travail. Son implantation est également envisagée pour les litiges familiaux. Le Plan d’Action du ministère de la justice prévoit une série d’actions novatrices qui seront lancées expérimentalement. Par exemple, les tribunaux pour les causes mineures (Pequeñas Causas) auront pour objet la résolution des problèmes de quartier et de voisinage, dont les montants en jeu sont peu importants. L’objectif déclaré est de parvenir à une égalité procédurale effective qui "en permettant un accès plus dynamique et direct à la justice permettra de solutionner certaines situations d’indigence juridique". Une autre solution serait de faciliter la participation de la communauté dans le service de la justice : le droit procédurier (branche du droit qui détermine ou étudie les règles d’organisation judiciaire, de compétence, d’instruction des procès, d’exécution des décisions de justice) apparaît comme une science occulte, fermée à la connaissance collective, qui favorise, dans les procédures, ceux qui connaissent les techniques, à savoir les spécialistes. L’instauration de tribunaux de jurés, prévue par la Constitution mais jamais mise en oeuvre, permettra d’élargir la connaissance des techniques à des non-spécialistes et d’incorporer le sens commun et la perception collective dans l’institution judiciaire. La justice, qui est un bien commun, se conçoit uniquement au sein d’une société et, de ce fait, elle correspond à une tâche collective. Le but le plus important du gouvernement en cette matière consiste à apporter les conditions qui favoriseront une destinée commune équitable. Tel est le message qui émane de l’article.


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Mots-clés Accès à la justice - Action juridique et judiciaire - Droit - Etat - Justice - Médiation institutionnelle - Médiation juridique - Pouvoir judiciaire -

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