Il est des litiges, conséquence des conditions d’habitat, de voisinage, de comportements individuels, qui peuvent trouver une qualification pénale mais qui en réalité ne sont pas significatifs de comportements délinquants. Il en va ainsi des insultes que des voisins échangent sous le moindre prétexte, regards de travers, bagarres d’enfants, radio ou télévision trop bruyantes... avant d’en venir parfois aux mains, jets de pierres, voire coups de couteau ou de fusil. Il en est aussi ainsi des comportements de garnements turbulents et destructeurs qui établissent leur quartier de jeux dans les couloirs ou les sous-sols des immeubles... La réponse de l’institution judiciaire n’est pas satisfaisante. En effet, sur le plan pénal, le Parquet (Services du Procureur de la République) n’a que la solution du tout ou rien : renvoi devant la juridiction pénale avec la lourdeur que cela suppose, ou classement sans suite laissant le litige sans réponse et la victime en proie à un sentiment de frustration parfois insupportable. Sur le plan civil, la victime, le plus souvent ne peut espérer qu’un dédommagement de principe et la plupart du temps d’un recouvrement illusoire. Enfin, au lieu d’apaiser le conflit, l’intervention judiciaire l’envenime. C’est en partant de ce constat, que des magistrats, le Procureur de la République et la vice-présidente du Tribunal de Grande Instance de Valence, trouvant un écho à leurs préoccupations chez les animateurs du Conseil Communal de Prévention de la délinquance, se sont donnés les moyens d’une réponse, à savoir la mise en place (en 1985) d’une structure capable de traiter les problèmes là où ils sont nés, c’est-à -dire sur le quartier en vertu d’une philosophie qui tend à restituer la solution d’un conflit à la collectivité qui l’a sécrété. C’est alors qu’ils ont eu l’idée de la conciliation. Le conciliateur n’est pas un notable. Il n’est ni âgé, ni décoré et n’a pas de passé professionnel éminent. Il n’est pas forcément de nationalité française. Mais il est attaché au quartier, il y habite ou y travaille, il en connaît les difficultés, il vit quotidiennement les tensions sociales liées à la coexistence de communautés ethniques ou de générations différentes, et il est animé du souci de voir se réduire les tensions. Ils sont dix, répartis sur deux quartiers différents, l’un de 13 000 habitants, l’autre de 8 000 habitants. Ce sont des bénévoles qui consacrent leurs samedis à la conciliation dans des locaux du quartier. Les dossiers sélectionnés par le Parquet, sont transmis à l’instance de conciliation de quartier, laquelle décide par délibération en commun quels conciliateurs (équipe d’au moins deux conciliateurs) auront en charge quels dossiers. Ils convoquent les parties, les avertissent que la conciliation n’est pas obligatoire, que si elle se réalise, le Parquet ne donnera pas de suite pénale ; qu’en cas de refus le dossier est retourné au Parquet qui lui donne la suite pénale qu’il aurait normalement eu : poursuites ou classement. En cas d’acquiescement les antagonistes sont mis en présence. Le but étant de favoriser le dialogue afin d’aider à trouver une solution acceptable par chacun.