1.- Chaque être humain doué de raison, en tant qu’individu ou vivant en groupe, peut être amené à concevoir la justice différem-ment du ou des autres de ses semblables. C’est dire la difficulté de définir une telle notion pour qu’elle soit acceptable, sinon par tous du moins par la majorité des êtres humains vivant en communauté. Les discri-minations, les inégalités, les différences naturelles ou artificielles constituent pour ceux qui en souffrent autant d’injustices qu’elles paraissent normales à ceux qui en bénéficient. Néanmoins, lorsque c’est la majorité qui pâtit de cette situation déplo-rable, on voit s’adjoindre au terme de justice un autre qualificatif : justice sociale, justice économique, justice révolutionnaire ! Même si on veut limiter nos réflexions à un concept "structurel" de la justice, car lié à l’appareil judiciaire d’un pays, d’une région, voire à l’échelon international, on ne peut dissocier une telle notion de son milieu ou de son interaction avec d’autres concepts ou structures qui lui donnent formes et conte-nus. D’où l’intérêt et l’utilité de l’analyse des rapports ou liens de la justice stricto-sensu avec la société civile, la démocratie, le développement, la culture, les droits de l’homme, le droit en général et avec l’éthique. Il s’agit là d’autant de pistes de réflexion qui apportent également un éclairage constructif sur les dimensions constitutionnelle, transna-tionale (maghrébine, par exemple) et sociale de la justice. Ces réflexions préliminaires permettent à la fois de cerner la notion de justice et de dégager quelques éléments significatifs pour un mouvement -national et transnational- tendant à l’institution d’un meilleur accès à la justice. 2.- Pour y parvenir, tous les hommes de bonne volonté épris d’une justice fondée sur une éthique de la solidarité humaine, doivent conjuguer leurs efforts en vue d’accorder la priorité -dans leurs analyses et leurs réfle-xions- aux "consommateurs" de la justice, à savoir les justiciables citoyens, plus qu’aux "producteurs" de la justice (professionnels du droit, administration de la justice, législateur par exemple). Ces derniers ne seront pas pour autant négligés, leur rôle et leur responsabilité devront être mis en exergue et évalués au regard d’une éthique de la justice, d’une éthique de la politique judiciaire, parallèlement à une éthique pro-fessionnelle de toutes les personnes s’occupant de la justice. A cet effet, la vision et la démarche conceptuelles envisagées accordent une importance déterminante à la méthode comparative et à une prospective sociale et humaine. Cette méthode de pensée permettra d’élaborer un programme de réfor-mes conséquent dont le trait dominant sera l’instauration d’un meilleur accès à la justice eu égard à la constitution d’un "Etat social". Il sera alors possible de passer à l’action et de lutter contre les aspects négatifs du gigantisme juridictionnel, puis de prévoir l’application effective de quelques remèdes à étudier : participation des justiciables aux réformes à entreprendre, création de formes nouvelles de structures plus accessibles, recours à des modes non juridictionnels de règlement des litiges.