En Afrique, depuis longtemps, les nombreu-ses initiatives prises ça et là pour promouvoir la démocratie (quelle démocratie ?) , certes louables, présentaient de nombreuses lacu-nes. En particulier, le débat sur la démocratie pluraliste était noyé dans des considérations très générales sur la démocratie ou les droits de l’homme. Par ailleurs, ces réflexions -limitées à des colloques, séminaires- se déroulaient dans des rencontres de circons-tances, souvent sans lendemain. Par exemple, qu’en sera-t-il des décisions prises au quatrième Sommet de la franco-phonie qui se déroulait pendant notre mission, notamment celles touchant aux questions du droit ? Il serait prévu de développer les actions de formation juridique des magistrats africains, du personnel judi-ciaire... C’est bien, mais quand on connaît l’état de délabrement physique (locaux insuffisants, documentation réduite, voire inexistante), moral (dû notamment à l’absence de moyens, corruption...) dans lequel se trouve l’appareil judiciaire dans la plupart des Etats africains, l’on peut s’interroger sur la viabilité de cette décision. A quoi servirait la formation des magistrats si dans le même temps il n’est pas envisagé d’assurer d’une manière prioritaire la formation des populations à leurs droits ? Il ne peut y avoir Etat de droit, sans accès au droit. Pas davantage de démocratie sans connaissance des droits et devoirs. Or, plus de 80% de la population africaine vit dans l’ignorance absolue de ses droits les plus élémentaires, de ses devoirs de citoyen et subit, soumise. Des actions doivent être développées à l’école, dans les campagnes, pour que chacun arrivant à vivre sans crainte, devienne un citoyen actif. Informer les populations de leurs droits et devoirs, leur apporter un appui et des conseils juridiques pratiques, former des parajuristes dont le rôle est de restituer aux populations les notions de droit qu’ils ont acquises, est fondamental à l’avènement d’une majorité de citoyens conscients, indis-pensable pour un développement autonome et une démocratie réelle. C’est à cette tâche essentielle que se consacrent la plupart des groupes rencontrés ou à laquelle certains souhaitent s’atteler, mais ne le peuvent, faute de réflexions collectives suffisantes, du fait de leur isolement, ou faute de moyens financiers, d’appuis institutionnels. Quant aux pratiques existantes, qui démontrent chaque jour leur efficacité, elles sont comme une goutte d’eau dans l’immensité de l’océan des besoins. Les services juridiques "innovants", "alter-natifs", qui se sont développés dans les dix dernières années en Amérique Latine et en Asie, ont été des instruments de démocrati-sation du pouvoir politique et de changement des conditions économiques et socio-politi-ques. Ils ont favorisé la prise de responsabili-tés des populations défavorisées dans la solution de leurs problèmes, aidé à renforcer leur organisation, à articuler leurs intérêts et formuler des revendications en ce qui concerne les droits individuels et collectifs. Ces constats nous confrontent au défi que la constitution de Juristes-Solidarités a voulu relever, nous obligent à nous interroger sur le rôle que les ONG sont appelées à jouer au sein du travail que les populations sont en train de faire, en vue de la formulation de stratégies de développement...