Depuis les annĂ©es 70, en France notamment, les besoins Ă©lĂ©mentaires de logement ont Ă©tĂ© ressentis de façon de plus en plus aiguĂ« par les populations dĂ©munies. Aujourd’hui, ce problè-me Ă©merge Ă nouveau Ă l’initiative des mal-logĂ©s et des sans-abris, appuyĂ©s par le DAL (Droit au Logement), association qui lutte depuis 1990 pour le Droit au logement. En rĂ©alitĂ©, c’est surtout depuis le 18 dĂ©cembre 1994 que la question ravive l’opinion publique. Ce jour-lĂ , un immeuble appartenant Ă une sociĂ©tĂ© immobilière, situĂ© rue du Dragon, dans un des quartiers aisĂ©s de Paris, est investi et occupĂ© massivement par une soixantaine de familles sans logis. Cette action faisant suite Ă d’autres du mĂŞme type, organisĂ©e, comme les prĂ©cĂ©dentes, par le DAL et le CSL (ComitĂ© des Sans-Logis, crĂ©Ă© en 1993), mĂ©diatisĂ©e et soutenue par de nombreuses personnalitĂ©s connues comme l’AbbĂ© Pierre, a permis de sensibiliser la France entière et les responsables politiques. Elle a mĂŞme contribuĂ© Ă consacrer le droit au logement comme un des thèmes du dĂ©bat prĂ©cĂ©dant l’Ă©lection prĂ©sidentielle. Parmi les moyens d’actions du DAL : le recensement des personnes mal logĂ©es et sans abris ; l’occupation avec les personnes concernĂ©es, de manière non-violente, d’immeubles vides, objets le plus souvent de la spĂ©culation immobilière ; l’organisation de manifestations, dĂ©bats, fĂŞtes afin de mobiliser et de sensibiliser l’opinion publique ; l’information des mĂ©dias et, enfin, l’action juridique (en soutien technique, administratif aux personnes) et judiciaire (devant les tribunaux pour faire progresser la jurisprudence et faire face Ă la rĂ©pression). L’action rue du Dragon a permis de rappeler l’existence de la loi de rĂ©quisition des logements vacants qui date de 1945 et de souligner que, curieusement, les forces de l’ordre protègent ceux qui refusent l’application de cette loi, propriĂ©taires spĂ©culateurs, autoritĂ©s ..., et matraquent ceux qui devraient en ĂŞtre bĂ©nĂ©ficiaires. Ces derniers, alors qu’ils tentent de faire appliquer la loi, sont poursuivis devant les tribunaux... Mais, pour la première fois, ils ont obtenu l’engagement, mĂŞme s’il est largement insuffisant, du maire de Paris d’appli-quer cette loi "oubliĂ©e". L’action du DAL se fonde Ă©galement sur d’autres textes, comme celui de la Constitution française de 1946 qui garantit le droit de vivre en famille. En outre, le 1er mars 1995, la Cour suprĂŞme française, Ă savoir la Cour de Cassation, a confortĂ© la position des militants du DAL, en confirmant une dĂ©cision de la Cour d’appel de Paris qui avait prĂ©cĂ©demment reconnu le droit d’occuper un logement vide par nĂ©cessitĂ©, dans son arrĂŞt concernant 41 personnes qui occupaient en mars 1993 l’Ă©cole maternelle dĂ©saffectĂ©e de l’avenue RenĂ© Coty (XIVe arrondissement de Paris) et qui avaient Ă©tĂ© expulsĂ©es par les forces de l’ordre en exĂ©cution d’une ordonnance de rĂ©fĂ©rĂ©. Se rĂ©fĂ©rant Ă divers traitĂ©s internationaux, la Cour d’Appel, alors saisie par les victimes de cette expulsion et le DAL, avait reconnu dans son arrĂŞt un droit au logement et consacrĂ© cette nouvelle notion de "squatt par nĂ©cessitĂ©". Par son arrĂŞt du 1er mars 1995, la Cour de Cassation a confirmĂ© l’arrĂŞt de la Cour d’Appel de la ville de Paris. Elle a, en outre, condamnĂ© la Ville de Paris Ă verser aux familles la somme de 8 000 FF au titre de l’article 700 du nouveau code de procĂ©dure civile (relatifs aux frais de procĂ©dure engagĂ©s). Le DAL poursuit son action qui s’Ă©tend Ă toute la France et qui a dĂ©jĂ permis Ă des centaines de familles de trouver un logement. Le soutien et la solidaritĂ© de nombreux citoyens et d’associations, sensibilisĂ©s Ă cette question fondamentale du droit Ă bĂ©nĂ©ficier d’un logement, renforcent la lĂ©gitimitĂ© des actions et des revendications du DAL et des autres associations de sans-abris et les encouragent Ă poursuivre leur combat. L’action du DAL qui concourt Ă lutter contre l’exclusion sociale par le droit est une pratique (alternative de droit ?) exemplaire. Elle est l’expression collective d’une revendication lĂ©gitime des mal-logĂ©s et des sans-abris. L’action est en outre directement en lien avec la recherche d’une rĂ©ponse Ă des besoins fondamentaux, exprimĂ©s par les personnes concernĂ©es, qui agissent en concertation avec d’autres parties de la population sensibilisĂ©es Ă leurs problèmes. Cette pratique participe ainsi Ă l’Ă©laboration d’une citoyennetĂ© active.