L’ Aghios Charalambos, cargo chypriote est arrivé à Lorient le 4 octobre 1992. L’équipage, principalement égyptien, avait déjà embarqué depuis 13 mois alors qu’il était sous un contrat d’une durée de 7 mois et n’avait pas été payé depuis 4 mois. Il se mit en grève à Lorient. Le Marin’Accueil, association qui gère un foyer sur le port de commerce de Keroman à Lorient, n’a pas pu rester inactif devant le débarquement de ces hommes mal nourris et mal payés. La Présidente de l’association a alerté les syndicats, les affaires maritimes et le service de la santé pour qu’ils viennent constater l’insalubrité du navire et le délabrement de l’équipement de sécurité. Grâce à ces initiatives, l’équipage égyptien a pu obtenir du Tribunal de Commerce la saisie du navire, le paiement de certains arriérés, une lettre de garantie, des billets d’avion financés par l’armateur ; ce qui entraîna la main levée de la saisie. L’Administration des Affaires Maritimes décida du blocage du navire sous-norme jusqu’à la réparation de deux générateurs et du réservoir d’eau douce. Les marins refusèrent néanmoins de quitter le port estimant que l’ensemble de leur dû n’avait pas été réglé. L’armateur du cargo, en vue d’obtenir l’expulsion des occupants, saisit le TGI (Tribunal de Grande Instance) de Lorient mais celui-ci se déclara incompétent pour résoudre ce conflit collectif international de travail. Le 6 novembre 1992, un nouvel équipage pakistanais atterrit à Lorient et monta à bord de l’Aghios Charalambos après l’expulsion manu militari de l’équipage gréviste. A quai, ni les autorités françaises, ni les services des affaires maritimes sont intervenus. Plusieurs marins égyptiens furent dirigés à l’hôpital afin de faire constater les coups reçus. Cette affaire soulève le problème d’un conflit collectif international de travail. Quel est le droit qui régit les conditions de vie, les relations de travail, la protection sociale, la liberté syndicale des marins sur un navire étranger ? Quel est le statut d’un navire étranger sur un port français ? Quels sont les pouvoirs des autorités publiques de l’Etat du port sur le navire en cas notamment de troubles, d’infractions pénales, de déploiement de force ? Autant de questions que pose Patrick Chaumette, professeur à l’Uni-versité de Nantes (Faculté de droit et de sciences politiques), dans l’étude du cas "Charalambos", annoté à la Revue Juridique de l’Ouest de 1993. Le statut juridique d’un navire est défini par le pavillon, symbole de sa nationalité. Le pavillon est le lien de rattachement du navire à un Etat et donc à un système de droit. L’Aghios Charalambos bat pavillon chypriote, c’est-à -dire que tous les faits survenus à bord de ce navire, les infractions pénales commises par le capitaine, les hommes d’équipage sont punissables selon la loi du pavillon (la loi chypriote) et seulement devant les juridictions pénales de l’Etat du pavillon. C’est sur le motif de territorialité du navire que le Tribunal de Grande Instance de Lorient s’est déclaré incompétent pour résoudre le litige né entre les marins et l’armateur du cargo chypriote. Or, ce motif peut-il être encore invoqué par l’Etat côtier lorsqu’éclate un tel conflit, lorsque sont commises des infractions pénales à quai ? Des textes internationaux, la Convention de 1982 sur les droits de la mer dite de Montego Bay, la convention n 147 de l’OIT (Organi-sation internationale du Travail) sur les normes minimales à bord ont prévu l’interven-tion de l’Etat du port en cas d’actes de violence, à des fins privées à l’encontre d’un autre marin et un contrôle systématique des navires portant sur les normes et sur les conditions de vie et de travail à bord.