Aux Philippines, le principe de base d’une organisation dĂ©nommĂ©e "Concerned Mothers League" (littĂ©ralement "Ligue des mères engagĂ©es") est qu’il est possible d’obtenir tout ce qui est consacrĂ© par la loi comme, par exemple, les services sociaux, l’eau potable..., Ă condition que les populations concernĂ©es luttent au niveau local afin de revendiquer leurs droits. L’organisation, de dimension rĂ©duite, applique ce principe dans six communautĂ©s urbaines pauvres. Elle organise dans chacune une vĂ©ritable mobilisation - grâce, notamment, Ă la circulation d’un bulletin local. Afin que les habitants de ces communautĂ©s rĂ©solvent eux-mĂŞmes leurs problèmes, c’est-Ă -dire sans avoir besoin de faire appel Ă des professionnels, "Concerned Mothers League" leur donne une formation juridique destinĂ©e Ă les rendre le plus autonome possible. L’exemple encourageant du quartier de Kamias (Manille) en 1990 illustre ces efforts. A l’Ă©poque des Ă©lections, les autoritĂ©s locales avaient promis de fournir des services sociaux de base Ă la communautĂ©. Mais une fois les Ă©lections passĂ©es, rien ne s’est fait. Les habitants de la communautĂ© ont attendu un mois puis ils ont fait une pĂ©tition qu’une dĂ©lĂ©gation a prĂ©sentĂ©e au "Barangay", conseil de quartier. Avec un grand sens tactique, ils ont choisi de demander en premier lieu la rĂ©paration de la pompe Ă eau et d’agir, tant au niveau du Barangay qu’au niveau national. Pour se plaindre des consĂ©quences graves sur l’hygiène et la santĂ© que la pompe Ă eau dĂ©fectueuse prĂ©sentait, tout le quartier s’est mobilisĂ© : mères de famille, personnes handicapĂ©es et malades. Dans le cadre de cette mobilisation, les organisateurs ont informĂ© les habitants de Kamias sur la lĂ©gislation en vigueur et leur ont enseignĂ© les connaissances de base sur les droits de l’homme ainsi que sur le droit Ă des services sociaux de base. Ils leur ont ainsi fait compren-dre que c’Ă©tait Ă eux d’agir et non aux organisateurs. Après une annĂ©e entière de lutte acharnĂ©e, la communautĂ© a finalement reçu une nouvelle pompe de la Compagnie des Eaux avec un robinet commun et plusieurs bidons pour transporter l’eau. La population s’est mise d’accord pour payer une somme fixe pour chaque bidon d’eau mais Ă un prix plus Ă©levĂ© que celui demandĂ© par la Compagnie des Eaux. Avec le bĂ©nĂ©fice, la communautĂ© a pu mettre en place des installations sanitaires et cimenter les ruelles. Un membre de l’organisation constate que les populations savent, en gĂ©nĂ©ral, qu’elles ont certains droits mais ne savent pas comment les faire valoir. Aussi, le rĂ´le de CML consiste Ă leur fournir une information et une formation juridiques visant Ă donner aux populations concernĂ©es la force d’impulsion nĂ©cessaire pour qu’elles puissent revendiquer elles-mĂŞmes leurs droits. Aujourd’hui, grâce Ă l’action menĂ©e par l’organisation Ă Kamias, les habitants savent ce qu’il faut faire. Après la pompe Ă eau, ils ont pu, sans le soutien de "Concerned Mothers League", obtenir l’Ă©lectricitĂ© par une pĂ©tition adressĂ©e Ă la Compagnie d’Ă©lectricitĂ©. Dans une autre communautĂ©, un petit pont reliant le terrain des habitants Ă la route risquait de s’Ă©crouler. La "Concerned Mothers League" a demandĂ© Ă un groupe de jeunes de la communautĂ© d’Ă©crire un poème sur ce pont (en langue locale, le Tagalog), qu’ils ont fait publier par la suite dans les journaux locaux, accompagnĂ© d’un dessin. RĂ©sultat : les responsables du Conseil de Barangay ont fait construire un nouveau pont en tenant compte des attentes de la population. A Bagong Silang, un autre quartier, le Conseil national pour le logement ("National Housing Corporation") bloquait l’approvisionnement en eau d’anciens squatters pourtant officiellement relogĂ©s mais n’ayant pas payĂ© l’occupation des terres. Ces squatters ont alors lancĂ© l’opĂ©ration "soucoupes volantes"... Une cinquantaine de personnes se sont rendues au bureau local du Conseil pour le Logement, et ont projetĂ© des excrĂ©ments sur le bâtiment pour montrer combien l’eau est essentielle pour l’hygiène et la salubritĂ©. L’opĂ©ration s’est rĂ©vĂ©lĂ©e ĂŞtre un succès.