Le Dictonnaire encyclopédique de Théorie et de Sociologie du Droit définit le terme "Alternatif (Usage - du droit)" de trois manières : - en premier, comme "courant doctrinal et de praxis juridico-poltique, généralement d’inspiration marxiste, qui soutient la nature politique du droit, son caractère de classe et admet la possibilité de son interprétation à l’encontre des intérêts de la classe dominante et au service des classes oprimées ". - En second, comme méthodologie juridique établie à partir d’une "réflexion théorique sur la connaissance juridique et la nature du droit". - Enfin, comme pratique juridico-politique dans le sens d’une "utilisation des normes juridiques [...] comme objets, intérêts et valeurs distinctes de ceux auxquels prétend la classe bourgeoise dominante et hégémonique dans la création et l’application du droit ". Au sens d’une pratique juridico-politique, l’usage alternatif du droit s’entend d’un "usage du droit qui prétend changer, "altérer" ou "alterner" les bénéfices ou les conséquences défavorables que le droit emporte avec lui". Cette pratique s’appuie sur deux convictions, théoriques ou idéologiques, et sur une condition sociologique. La conviction idéologique renvoie à une position marxiste où les juristes alternatifs admettent la nature politique du droit. Ils appréhendent le droit comme instrument de classe, une superstructure idéologique au service de la classe dominante, tout en considérant que le droit n’est pas le produit, absolument en rapport avec les intérêts de la classe bourgeoise. Ils prennent en effet en compte la bivalence du droit et les contradictions inhérentes à la formation sociale de base. "Le droit dit "bourgeois", à un moment donné, est le produit de la lutte de deux classes". Par son aspect dominant, il est imbriqué dans le pouvoir bourgeois mais par son aspect subordonné, il correspond aussi à un intérêt relatif du prolétaire. Aussi dans ce contexte, les juristes alternatifs admettent la possibilité d’un usage alternatif du droit, "usage propre à favoriser les classes opprimées [...] créant en outre [...] davantage de sortes de liberté pour la lutte des masses". La seconde conviction idéologique se fonde elle sur le constat "de la généralité et de l’ambiguïté comme caractéristiques inévitables de tout droit", et partant sur la nature plurale de l’inteprétation juridique. Il existe une multitude d’interprétations possibles tout en restant dans la plus stricte légalité. Quant à la condition sociologique nécessaire à l’existence de cette pratique juridico-politique émancipatoire, elle réside dans la nécessité de trouver des "juristes progressistes et marxistes dans les appareils culturels et étatiques consacrés à l’enseignement, à la recherche et à l’administration de la justice". Toutefois, cette pratique juridico-politique connaît des limites puisque "par sa propre auto-définition, elle ne prétend pas sortir des limites du système juridique établi et, en ce sens, elle n’a ni ne peut avoir d’objectifs strictement révolutionnaires". Les théoriciens de l’usage alternatif du droit ont aussi critiqué "le fait que ce soit la norme juridique qui est mise en relief lors des procès judiciaires, alors que la réalité (les détermi-nations socio-économiques) n’est pas suffisam-ment prise en compte. En ce sens, se justifie une jurisprudence alternative qui change ces relations normes-fait". Pour le théoricien P. Barcellona, "analyse marxiste et usage alternatif du droit - plus qu’options subjectives ou propositions d’utopies sociales - constituent les deux aspects d’une même exigence de reconstruire la qualité propre du sujet (non le pur technicien, juristes etc.) à l’intérieur de la totalité et de l’ensemble de l’horizon social déterminé(dans lequel nous opérons, nous vivons etc.)". Par pratique alternative du droit, le dictionnaire donne la définition suivante : " l’expression "pratique alternative du droit" traduit la volonté de professionnels du droit et juristes, d’utiliser le droit dans les stratégies de changement social au profit de groupes sociaux et de personnes qui sont dans des situations de non-pouvoir : les assistés sociaux, les chômeurs, les femmes, les personnes âgées, les jeunes, les autochtones, les immigrants, les minorités ethniques ... Les auteurs parlent de pratiques alternatives du droit, développent des stratégies de politisation des conflits juridiques et de judiciarisation des conflits politiques. Ces auteurs insistent sur les limites des solutions juridiques individualisées apportées à des litiges qui touchent des groupes sociaux en situation de non-pouvoir. Ils préconisent des actions collectives de façon à sensibiliser les autorités publiques et les autres groupes sociaux, à des solutions juridiques ou politiques mieux adaptées aux litiges vécus par ces personnes et ces groupes sociaux". Le terme de "pratique populaire du droit" se traduit lui par "un plus grand accès de la population à de l’information juridique sur les droits et obligations qui concernent tous les domaines de la vie quotidienne". Enfin, le Dictionnaire précise que "cette pratique populaire du droit peut aussi se situer dans le courant idéologique soutenu par des juristes qui préconisent une appropriation du droit par la population, dans la perspective de démystifier le droit et de développer une meilleure compréhension de son contenu et de ses limites, notamment dans les secteurs qui touchent à la vie quotidienne. A ce courant se rattache la création de regroupements associatifs de défense des droits de certains groupes sociaux, qui offrent des conseils juridiques gratuits dans les domaine de l’aide sociale, de l’assurance-chômage, du logement, des accidents de travail, de la consommation, de l’immigration .... de façon à ce que les personnes aux prises avec des problèmes juridiques puissent dans la mesure du possible y trouver par elles-mêmes des solutions adaptées, contentieuses ou non".