Le développement économique, la paix, la justice sociale et leurs exigences revêtent une nécessité impérieuse dans la vie des peuples. Ces thèmes n’ont cessé de susciter de longs débats à travers les continents. Ainsi de nombreuses voix se sont déclarées hostiles à toute forme d’injustice et ont convergé dans la lutte pour l’instauration des droits de l’homme, comme démarche primordiale pour le véritable progrès économique auquel aspirent les sociétés. Parmi ces actions, il y a celles qui se sont spécialisées dans la défense des droits des femmes. Le Collectif 95 Maghreb Egalité (association de femmes de toutes disciplines et de tout âge) en est un exemple typique actif dans trois des pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie). Mais en abordant la question des droits des femmes, il faut souligner ceci : 1) De prime abord, on remarque qu’en entamant une discussion sur les droits de la femme, quel que soit le contexte, on sent aisément une dérive tacite et inconsciente vers une claire discrimination. Car, en les évoquant à l’écart de ceux de l’homme, on risque de rendre plus étroit le cadre dans lequel on les traite. Il est unanimement admis de nos jours que les droits de la personne humaine (sans détermination du sexe), ne peuvent faire l’objet d’aucune répartition ; le sujet étant sinon susceptible de se transformer d’un conflit de pensées et de mentalités en un conflit de sexes. Aussi la lutte des femmes en général, si elle n’est pas menée simultanément avec celle des hommes pour l’ensemble des droits communs à la personne humaine, risque de demeurer une simple ambition sans effet pratique. 2) Le débat sur les droits des femmes dans les pays du Maghreb, comme dans l’ensemble des pays musulmans, s’inscrit dans la grande problématique qui a marqué l’histoire de la pensée islamique dès l’aube de l’Islam, et qui est axée sur les critères de détermination, parmi les textes religieux (les versets coraniques et les révélations faites par le prophète), entre les droits qui sont immuables et ceux qui sont adaptables selon les circonstances. Ceci étant, il convient de déterminer le climat culturel dominant au Maghreb où émergent différents mouvements de défense des droits de la femme ; comme celui du Collectif 95 Maghreb Egalité. A travers les siècles, de nombreux courants philosophiques portant notamment sur la modernité se sont affrontés au sein de la pensée islamique. Ils ont débouché sur deux principaux courants socio-culturels antagonistes : - l’un est dit conservateur ou "réactionnaire" car il refuse toute coexistence avec des normes et des valeurs autres que celles inspirées de la culture et de l’histoire musulmane ; cette analyse est soutenue par un courant qui, pour concrétiser sa rupture avec l’Occident, a créé un lexique qui lui est propre ; - l’autre est désigné comme progressiste ou révolutionnaire, en donnant un sens évolutif à toute règle statuant la vie humaine, quelle que soit sa nature (religieuse, juridique...etc). Cette analyse est tenue par le courant influencé par la culture occidentale, en admettant ses valeurs d’une manière si absolue qu’on le juge aliéné. La question des droits des femmes au Maghreb fait, évidement, partie de ce labyrinthe culturel, voire, elle y demeure centrale. Faisant référence au courant dit progressiste ou réaliste par ses arguments rationalistes, l’action du Collectif 95 Maghreb Egalité, à travers son argumentation, met en cause toute norme rigide et aspire aux droits des femmes tels qu’ils sont "universellement" reconnus. Le Collectif 95 Maghreb Egalité estime que le combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes est un élément déterminant pour l’accès à la citoyen-neté, dans la mesure où le developpement doit impérativement passer par le respect de la personne humaine. A cette fin, il a proposé lors de la 15ème Conférence sur les droits de la femme à Pékin, un projet de Code alternatif de la famille comprenant une centaine de dispositions. Ce Code part du constat que la discrimination dont les femmes font l’ objet émane " de leur inferiorité juridique" ; ce qui entrave par la suite "toute évolution de leur condition juridique". Pour le Collectif, la promotion des droits de la femme ne peut se faire uniquement par l’accès au savoir et à l’information, car la revalorisation du rôle de la femme passe aussi par la libération de nouvelles pratiques sociales, basées sur des valeurs plus égalitaires et donc par un changement des mentalités dominantes. Le Collectif fonde ce constat en faisant référence à la norme internationale avec ses trois principes (la liberté - l’égalité - la non-discrimination) qui représentent "les valeurs à partir desquelles s’est élaboré un consensus international qu’aucun Etat ne remet en cause et sur lesquelles s’est annoncée et developpée l’évolution de la législation relative à la condition des femmes au Maghreb". La place réservée aux femmes dans les sociétés au Maghreb est " le fruit des civilisations médi-terranéennes au sein desquelles l’organisation sociale est fondée sur la famille patriarcale qui s’est consolidée, par la suite, par le droit musulman classique ". Sur ce point, le Collectif note toutefois un certain changement des mentalités révélé par exemple par les différentes initiatives de lutte contre l’analphabétisme et de planification familiale. Sans apologie d’une approche ou l’autre, on constate, au Maghreb, une amorce de changement des mentalités. Cependant, malgré cette évolution des mentalités, il reste encore, dans le droit de la famille, des points "tabous" (notamment en matière successorale, polygamie et mariage biculturel...etc) dont la résolution nécessite de grands efforts d’interprétation créative ... De tout ceci, on tire quelques conclusions qui résument le noeud du débat : - Au Maghreb, il n’existe aucun code prenant en considération la nature présumée "universelle" des droits des femmes ; -L’instauration d’un nouveau code de la famille, juste, réaliste et alternatif à celui déjà existant, est tributaire de la résolution totale et définitive de la question des droits de l’homme dans la région. Et chaque initiative prise unilatéralement et hors ce contexte semblera utopique.