ONU, humanitaire, droit international, création de tribunaux ad hoc, maintien de la paix... autant de termes qui s’entrechoquent et qui font la une des médias à l’occasion des grandes crises actuelles. Dans ce contexte, il est parfois difficile pour le simple citoyen de faire la part des choses et d’apprécier à sa juste valeur chacun de ces termes. Il aura parfois tendance à être envahi par un sentiment d’impuissance face à un système qui lui est présenté par les médias comme lui-même impuissant. Dans le livre qui vient de paraître "ONU contre ONU - le droit international confisqué "(éd. La Découverte, 1994) - Olivier Russbach, directeur du Centre de recherches Droit International 90 à Paris, prend le contre-pied de l’approche médiatique de cette problématique. Le titre de cet ouvrage révèle d’emblée un affrontement entre deux utilisations de l’ONU, celle qu’en font les Etats et qui aboutit aux commentaires souvent désabusés de la part des journalistes et des juristes et celle qui pourrait en être faite si les citoyens contrôlaient la politique étrangère de leurs Etats. Tout au long de cet essai, l’auteur critique ainsi la confiscation du droit international par les Etats et propose des pistes réalistes de réappropriation de l’ONU et du droit international par les citoyens. Sa thèse fondamentale repose sur une conception du droit international qui, au-delà de l’approche strictement inter-étatique, privilégie la relation verticale entre le citoyen et l’Etat. Les citoyens, premiers concernés en cas de violations du droit international public et humanitaire, sont créanciers de l’obligation qu’ont les Etats de faire respecter ce droit. De cette thèse, Olivier Russbach démontre que les citoyens peuvent contrôler la politique étrangère de leurs gouvernements en faisant constater devant les tribunaux internes de leurs Etats la violation du droit international. Il favorise ainsi l’utilisation du droit existant par les citoyens à la "fuite en avant" qui consiste, en droit international, à toujours créer de nouveaux droits. A la fois théorique et pratique, il donne des exemples concrets où des citoyens et associations de particuliers peuvent se réapproprier le droit international. Il relate notamment l’expérience judiciaire menée par l’association européenne Droit Contre Raison d’Etat (DCRE) qu’il a présidée pendant une dizaine d’années. En 1988, cette association a engagé diverses procédures à l’encontre de sociétés d’armements qui avaient livré des armes aux belligérants lors de la guerre Iran-Irak malgré nombre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies dénonçant les violations graves au droit international humanitaire commises. Alors que les marchands d’armes invoquaient pour leur défense l’autorisation qu’ils avaient reçue de l’Etat français pour de telles livraisons, l’un des procès a permis à la Cour de cassation d’affirmer que la notion "d’acte de gouver-nement" derrière laquelle ils s’abritaient n’était pas applicable en l’espèce et ne libérait pas les marchands d’armes de leurs responsabilités. A travers une autre action que l’auteur mena, en été 1994, au nom de Reporters sans Frontière (RSF) pour obtenir une résolution des Nations Unies interdisant les émissions des radios rwandaises et burundaises, notoirement incitatrices du crime de génocide, Olivier Russbach explique comment une association peut, par exemple, saisir le Conseil de sécurité, c’est-à -dire faire usage de l’ONU, en mettant en jeu les différentes responsabilités de ses organes et de ses Etats membres. En conclusion, cet ouvrage qui, par ailleurs, dénonce "le droit d’ingérence" comme un détournement du droit international, oppose à cette notion très médiatique des moyens juridiques permettant une "ingérence" des citoyens dans les politiques étrangères de leurs Etats.