La pratique de la navigation de complaisance a pris de telles dimensions qu’elle constitue de nos jours un phénomène majeur des transports maritimes. Les conventions internationales stipulent que "tout navire doit être doté d’une nationalité sinon il est considéré comme pirate". La nationalité d’un navire est symbolisée par le pavillon. Le pavillon se définit donc comme le lien de rattachement du navire à un Etat et notamment à un système de droit. En haute mer, le navire constitue une parcelle détachée du territoire national car à bord, seule la loi du pavillon est applicable pour régir les relations entre l’équipage et le capitaine. L’expression "pavillon de complaisance" désigne, d’après une définition donnée par le Comité des Transports Maritimes de la CEE ; "les pavillons de pays dont la législation autorise et même facilite l’immatriculation, sous leur pavillon, de navires appartenant à des compagnies ou à des ressortissants d’autres pays". Les propriétaires de navires battant pavillon de complaisance retirent donc de cette libre immatriculation un certain nombre de facilités ; un régime fiscal avantageux du pays d’accueil (taxe d’exploitation du navire faible), une législation sociale quasi inexistante (bas salaire,...). L’armateur ou le gestionnaire peut exercer librement un contrôle sur les activités de ses navires sans se référer à l’Etat du pavillon. Les investissements et l’accès aux marchés financiers sont libres de toute intervention de l’Etat complaisant. Même liberté pour vendre ou acheter sur le marché de l’occasion et enfin le gestionnaire ou l’armateur est exempt de contrôles administratifs contraignants dans les domaines techniques (sécurité) ou social (salaires, prestations sociales). Ainsi, le pavillon est plus souvent une relation flexible, dans le cas des pavillons de complaisance, liée à des impératifs écono-miques, fiscaux et sociaux, d’allègement des coûts, que le lien stable du navire, de la communauté du bord, avec une souveraineté nationale. En tête des nations complaisantes, se trouvent des petits pays comme le Libéria, Panama, Chypre, les Bermudes. Par la complaisance, ces nations bénéficient d’un apport financier non négligeable procuré par les frais d’immatriculation et surtout d’une considération dans le monde du commerce maritime du fait du tonnage important qui circule sous leur pavillon. Or, si la complaisance offre de tels avantages à l’armateur comme à l’Etat complaisant, elle permet trop souvent l’exploitation des hommes. Le droit des marins est bafoué au profit d’intérêts économiques, à cause d’une législation sociale laxiste, d’une absence de contrôle. La couleur du pavillon est alors une question de concurrence et la ou les nationalités des membres de l’équipage un simple problème de coût ; problème négocié avec une des agences de recrutement. Ces agences ont acquis un rôle important en proposant des services ausssi variés que la gestion commerciale, l’entretien technique d’un navire, le recrutement voire la formation des équipages. Ces agences de main d’oeuvre, conséquence de la complaisance, contribuent à soutenir ceux qui n’ont aucun scrupule à faire des bénéfices sur le dos des travailleurs du Tiers Monde et à considérer le marin comme leur simple marchandise. Venant de nations à bas niveaux de vie, ces marins sont prêts à tout pour trouver un embarquement même dans les pires conditions. L’inorganisation sociale syndicale de cette main d’oeuvre procure une sérenité de plus à l’armateur. Il y a peu de revendications à considérer dans les ports d’escale et la porte à de nombreux abus est alors ouverte : embarquement dépassant les douze mois, droit à de rares congés, les dimanches et jours fériés non payés, des salaires de misère, des conditions de logement douteuses, des contrats d’engagement rédigés en anglais (qui n’est pas forcément la langue nationale des membres de l’équipage), mauvais traitements,...