Décentralisation et droit au logement en milieu rural au Mali : prévenir les possibles dérapages




L’Association MAlienne pour le DEveloppement (AMADE), créée en 1983, est l’une des premières ONG du Mali. Ses actions, multiformes, s’adressent prioritairement aux communautés vivant en milieu rural. La promotion des droits élémentaires des groupes cibles occupe une place de première importance dans ses interventions. Aussi, consciente que la décentralisation, devenue une réalité au Mali, risquait à long terme de créer de graves problèmes fonciers dont la privation pour une grande partie des populations autochtones de leur droit au logement, l’AMADE a entrepris un certain nombre d’actions préventives. Comme tous les autres aspects du foncier au Mali, l’accès au logement reste tributaire de deux systèmes juridiques souvent opposés : le droit moderne de l’Etat, formaliste, basé sur l’appropriation privée de la terre ; le droit coutumier, très souple, axé sur le droit d’usage collectif (familial). Si le droit de propriété est la règle en milieu urbain, donnant ainsi la possibilité à une minorité de citoyens de jouir du droit au logement, en revanche, le milieu rural, zone d’ancrage des coutumes, se caractérise par l’accès de tous les membres de la communauté au logement. Avec la mise en Å“uvre effective de la décentralisation, le Mali compte actuellement 703 communes dont 684 communes rurales. La loi n°96 050 du 16 Octobre 1996, en définissant le domaine privé immobilier des communes, s’applique à toutes ces terres sur lesquelles s’exerce le droit coutumier. Les communes doivent ainsi se référer au code domanial et foncier qui en matière d’habitat fait du droit d’appropriation le principe d’accès au logement. Dès lors, les droits coutumiers sur les terres domaniales deviennent de simples usages précaires, valables tant que les nouvelles autorités communales n’ont pas exprimé de besoins particuliers. Or, la terre demeurant la principale source de revenus pour ces autorités, il est à craindre que ces dernières, pour renflouer leurs caisses vides, ne s’adonnent à des ventes démesurées de terres appartenant à leur domaine. En fait, les communautés rurales étant très pauvres, ce sont les entrepreneurs et certains fonctionnaires qui auront accès à ces terres sous forme de concession rurale ou de maison d’habitation. La croissance démographique étant très élevée en milieu rural, au bout de quelques décennies, une bonne partie des populations autochtones pourrait se trouver sans logement et transformée en ouvriers agricoles puisque toutes les terres auront été vendues par leurs propres élus. Face à ces risques de dérapages, l’AMADE développe, au niveau de ses zones d’intervention, les stratégies suivantes : - la sensibilisation systématique de 100 conseillers communaux sur les risques d’attribution abusive des terres ; - la promotion de la démarche de médiation dans la résolution des conflits fonciers au niveau de 8 communes, laquelle démarche a le mérite d’aboutir à une solution locale et acceptée par toutes les parties, par opposition à la voie judiciaire qui impose une solution étrangère, très inappropriée et non durable ; - la formation de 52 parajuristes villageois sur le code domanial et foncier pour qu’ils comprennent tous les enjeux (surtout les dangers) de ce texte afin de pouvoir, à leur tour, sensibiliser leurs communautés ; - le renforcement des capacités de lobbying de 50 organisations de base pour qu’elles soient capables d’influencer les autorités communales dans la gestion des terroirs villageois, voire d’intervenir dans la définition des politiques de logement. Enfin, la stratégie centrale de l’AMADE en matière d’accès durable des communautés à la terre et donc au logement, demeure l’appui à l’émergence et à la consolidation de sociétés civiles locales s’impliquant dans la gestion de leurs environnements. Ces sociétés civiles en effet, composées d’organisations communautaires formées et fortes, constituent un rempart efficace contre la dilapidation éventuelle des biens communautaires, dont la terre, par les autorités communales.


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Mots-clés Droit au logement - Droit coutumier - Para-juriste -

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