Solidarité Paysans est une association nationale créée en 1992 suite à un travail commun entre des associations départementales de défense des paysans en difficulté et la Confédération Paysanne. Elle regroupe des associations départementales ou régionales intervenant localement pour accompagner les agriculteurs en difficulté. Ces associations, initialement appelées SOS Paysans, ont été créées à partir de 1984, d’abord dans l’ouest, puis leur création a suivi la carte des crises agricoles. Les associations sont à l’origine de l’extension aux agriculteurs de la loi instaurant les procédures judiciaires (redressement et liquidation) en décembre 1988. La loi votée en 1985 ne concernait que les commerçants et artisans. C’est par un travail auprès du législateur (députés), du gouvernement et une pression dur le terrain - y compris en obtenant des jugements qui considéraient des agriculteurs comme commerçants – que l’extension a pu être obtenue. Pour négocier avec les créanciers et ré échelonner la dette d’un paysan, plusieurs possibilités coexistent, utilisées différemment selon les contextes locaux : - la négociation amiable : (extra-judiciaire) : Elle n’est intéressante que si les créanciers acceptent que le débiteur soit accompagné et soutenu dans sa démarche. Sinon les interlocuteurs ne sont pas de force égale (un paysan face à son banquier) et il ne s’agit pas d’une vraie négociation. - l’amiable judiciaire : (la conciliation) qui peut être demandé par l’agriculteur ou ses créanciers. Il s’agit d’une négociation organisée par un conciliateur nommé par le tribunal de grande instance. L’intérêt est limité puisque les poursuites ne sont suspendues que deux mois et qu’un seul créancier qui ne veut rien entendre rend l’accord impossible. - les redressements judiciaires : ce sont des procédures ouvertes par le tribunal de grande instance permettant d’obtenir, même contre l’avis des créanciers un arrêt des poursuites et un échelonnement de la dette sur 15 ans au maximum sans intérêts sauf pour les prêts bancaires d’un an et plus. L’accompagnement des agriculteurs devant les tribunaux de grande instance par les bénévoles (et de plus en plus les salariés) des associations permet d’obtenir une application adaptée de la loi. Si 93% des procédures devant les tribunaux de commerce aboutissent à une liquidation, 90 % des procédures devant les tribunaux de grande instance aboutissent à un redressement. De plus, Solidarité Paysans, à partir de son expertise de terrain a pu proposer des amendements à la loi, dont certains ont été pris en compte en 1994 et d’autres intégrés dans une projet de loi récent (automne 2004). Solidarité Paysans utilise le droit (en coordonnant les expertises de terrain et les démarches juridiques et politiques en faveur des agriculteurs en difficulté). - en matière sociale en ce qui concerne l’accès aux différents droits sociaux, tels que Revenu Minimum d’Insertion, souvent dérogatoire, en matière de Couverture Maladie Universelle (complémentaire), d’accès aux aides logement, etc…qui ne sont pas toujours assurées, faute d’information aux bénéficiaires potentiels sur leurs droits et de formation des travailleurs sociaux, y compris des organismes agricoles. - en matière de négociation de dettes et de protection du patrimoine personnel (voir ci-dessus). Au delà de l’accompagnement individuel, des démarches collectives telles que préparation de plusieurs plans de redressement en même temps, sessions de formation sur les procédures, journées d’information sont organisées. - Outre les interventions pour modifier les lois ou le cadre réglementaire en matière de droits sociaux ou de procédures judiciaires, Solidarité Paysans a aussi initié un travail partenarial avec des collectivités locales, la Caisse des dépôts et Consignations et les services de l’Etat de plusieurs départements pour construire un dispositif innovant qui évite la vente aux enchères des maisons des agriculteurs en cas de liquidation judiciaire. Dans les Bouches du Rhône, puis dans d’autres départements, un accord a été trouvé qui permet la vente du logement à un organisme HLM. La famille reste sous son toit et devient locataire, elle peut racheter sa maison à terme. Le rapport au droit que Solidarité Paysans essaie de transmettre à ses adhérents est un rapport actif et constructif et non une démarche de « client ». On ne va pas voir son avocat pour lui demander ce qu’il faut faire, mais pour lui expliquer ce qu’on a décidé de faire et lui demander de mettre en forme. Y compris parfois avec des stratégies qui peuvent paraître juridiquement perdues d’avance, mais qui font avancer le droit. Et quand la loi ne va plus, on se bouge collectivement et on essaie de la faire changer, y compris en rédigeant les propositions d’amendements à soumettre aux parlementaires.