Viva Rio
La rĂ©gion mĂ©tropolitaine de la ville de Rio de Janeiro est divisĂ©e en deux rĂ©alitĂ©s clairement distinctes - “ l’asphalte ” et les communautĂ©s “ en manque1”-, les deux occupant le mĂŞme espace urbain, malgrĂ© les inĂ©galitĂ©s sociales qui les sĂ©parent. Dans les zones des communautĂ©s pauvres prĂ©domine l’absence des services essentiels de santĂ©, d’éducation et l’informalitĂ© des relations humaines. Ceci, ajoutĂ© Ă l’absence des pouvoirs publics, est Ă l’origine de l’appropriation de l’espace de ces communautĂ©s par des organisations parallèles Ă l’Etat, comme les groupes de narcotrafiquants, et la crĂ©ation de “ lois ” diffĂ©rentes de celles qui prĂ©dominent dans le reste de la ville. Le droit peut ĂŞtre l’un des points d’intersection entre ces deux espaces. En Ă©tant utilisĂ© comme un outil d’insertion, il revĂŞt un caractère pĂ©dagogique et possède un pouvoir de transformation, dans la mesure oĂą il donne aux habitants des outils pour exercer pleinement leur citoyennetĂ©. Cette proposition de transformation grâce Ă la dĂ©mocratisation du droit a Ă©tĂ© Ă l’origine de ce que l’on a appelĂ© la “ Vitrine des droits2 ”, crĂ©Ă©e entre dĂ©cembre et janvier 1996 par des membres de l’ONG Viva Rio, Ă la demande de 25 leaders communautaires qui ont reconnu la nĂ©cessitĂ© de mettre en place un projet qui permette aux habitants des communautĂ©s pauvres d’avoir accès Ă la justice. Le projet a pour principal objectif de “ promouvoir la dĂ©mocratisation des droits, Ă partir de la diffusion de l’information et de la production de modes plus justes de rĂ©solution des conflits, afin de permettre le plein exercice de la citoyennetĂ©, contribuant ainsi Ă une sociĂ©tĂ© solidaire dans le respect de la diversitĂ© ”. Les consultations juridiques sont rĂ©alisĂ©es dans des “ cellules de travail” installĂ©es au sein des espaces communautaires - Ă©glises, garderies, associations de voisins, etc. -dĂ©jĂ connus de la communautĂ©. Y sont proposĂ©s aux habitants des services de conseil juridique sur leurs droits et devoirs, d’accès au pouvoir judiciaire au travers d’actions judiciaires, et des outils comme la mĂ©diation ou la conciliation pour rĂ©soudre leurs conflits. Les Ă©quipes de ces “ cellules de travail ” sont composĂ©es d’un coordinateur (avocat ou Ă©tudiant en droit), responsable de l’encadrement de l’équipe, d’étudiants en droit rĂ©munĂ©rĂ©s ou bĂ©nĂ©voles et d’un “ agent de la citoyennetĂ© ”, habitant de la communautĂ© ou est implantĂ©e la cellule, qui permet d’établir le lien entre le projet et la communautĂ©, ses pratiques, sa culture. Au dĂ©part et pendant les 4 premières annĂ©es de la rĂ©alisation du projet, la consultation juridique Ă©tait l’unique forme d’intervention dans les communautĂ©s. La raison d’être du projet Ă©tait concentrĂ©e dans l’obtention de documents d’état civil et dans la conduite de procĂ©dures judiciaires. La rĂ©solution des conflits au niveau local se limitait Ă la conciliation, “ important ” ainsi le modèle dĂ©jĂ utilisĂ© dans les tribunaux. L’annĂ©e 2000 a marquĂ© un tournant dans l’histoire de la “ Vitrine des droits ”. Le projet avait dĂ©jĂ 4 ans et certaines de ses limites se faisaient ressentir. Une Ă©valuation externe rĂ©alisĂ©e par ISER (Instituto de Estudios de la ReligiĂłn – Institut d’Etude de la Religion) a Ă©tĂ© le point de dĂ©part d’un dĂ©bat Ă la suite duquel la structure et l’organisation du projet ont Ă©tĂ© modifiĂ©es. Les discussions, Ă la fois internes et avec les reprĂ©sentants des communautĂ©s, ont abouti Ă la fermeture de certaines “ cellules de travail ” et l’affirmation de la nĂ©cessitĂ© d’élargir les actions conduites jusqu’alors. Accueillir et orienter les habitants ne devait plus ĂŞtre l’unique moyen de faire face aux violences et discriminations existantes dans les communautĂ©s les plus pauvres. Il Ă©tait devenu nĂ©cessaire de rendre effective la dĂ©mocratisation de la connaissance du droit et ainsi le plein exercice de la citoyennetĂ©. En 2001, fĂ»t mis en place un projet intitulĂ© “ Agents de droits ”, ayant pour objectif principal la formation de membres des communautĂ©s, pour que, Ă partir de leurs propres vĂ©cus et de leur propres langages, puisse se crĂ©er une interaction avec le langage du monde juridique trop mĂ©connu. Le projet vise Ă pouvoir s’approcher des rĂ©alitĂ©s vĂ©cues au quotidien par les habitants des communautĂ©s, Ă crĂ©er des espaces de travail sur des thĂ©matiques juridiques qui puissent servir de rĂ©fĂ©rence et d’impulsion pour renforcer leur confiance en eux et permettre une meilleure insertion sociale. Le projet s’appuie sur le contenu d’un manuel qui aborde 12 thèmes en relation avec le droit, la citoyennetĂ© et la mĂ©diation des conflits. 70 “ agents de droits ”, divisĂ©s en 4 groupes, ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© formĂ©s dans le cadre de ce projet. “ Balcon des droits ” et l’UniversitĂ© Travaillant dans le cadre de la “ Vitrine des droits ” avec des Ă©tudiants en droit et des avocats, nous sentions que l’UniversitĂ© Ă©tait très loin des rĂ©alitĂ©s vĂ©cues et du quotidien des Carioca3 ;; que les Ă©tudiants ignoraient tout de la situation des communautĂ©s pauvres et que, bien souvent, elles Ă©taient stigmatisĂ©es comme des zones oĂą s’affrontaient les bandes de narcotrafiquants et la police. La possibilitĂ© de faire rentrer le dĂ©bat Ă l’intĂ©rieur de l’UniversitĂ© fut pour les membres de l’équipe un grand dĂ©fi. Cela a gĂ©nĂ©rĂ© des rĂ©sultats positifs, la demande des Ă©tudiants en droit pour connaĂ®tre et travailler bĂ©nĂ©volement pour le projet ayant par exemple augmentĂ©. Les activitĂ©s liĂ©es Ă la “ Vitrine des droits ”, identifiĂ©es comme des propositions d’assurer un enseignement juridique contemporain en association avec les UniversitĂ©s, contribuent Ă donner une formation gĂ©nĂ©rale et humaniste aux Ă©tudiants, en valorisant, Ă travers l’approche des analyses sociales et juridiques, la capacitĂ© critique d’interprĂ©ter les phĂ©nomènes sociaux. Cette capacitĂ© de rĂ©flexion se construit Ă partir d’une constante analyse critique de la pratique au sein de la “ Vitrine des droits ”, c’est-Ă -dire en faisant le lien entre la thĂ©orie et la pratique socio-juridique, Ă partir de l’étude des expĂ©riences individuelles et collectives des membres du projet. Ceci a Ă©galement vocation Ă dĂ©velopper une autre potentialitĂ© fondamentale chez l’étudiant en droit : celle de savoir travailler en groupe. De plus, l’actualisation constante des connaissances juridiques et sociales des Ă©quipes de la “ Vitrine des droits ” favorise la comprĂ©hension interdisciplinaire du droit et de la sociĂ©tĂ©, dĂ©veloppant ainsi la capacitĂ© de l’étudiant Ă absorber, critiquer, transmettre et produire de façon crĂ©ative, Ă partir des Ă©valuations pĂ©riodiques de sa pratique professionnelle. LiĂ© Ă cette actualisation constante, le processus de mĂ©diation des conflits stimule la capacitĂ© Ă mettre en Ĺ“uvre des formes judiciaires ou extrajudiciaires de prĂ©vention et de rĂ©solution des conflits, ainsi que celle de rĂ©aliser l’équation entre les demandes individuelles ou sociales et les solutions possibles. En conclusion, le projet “ Vitrine des droits ”, parvient Ă rendre effectif l’exercice de la citoyennetĂ©. Les cellules de conseil juridique, l’utilisation de la mĂ©diation, la formation des leaders communautaires, facilitent la connaissance par les communautĂ©s pauvres des lois, de leurs droits et devoirs ainsi que des instruments qui garantissent leur effectivitĂ©. Partant d’une pratique de paix et d’intĂ©gration sociale, le projet cherche Ă qualifier ses actions en alliant la sphère privĂ©e et la sphère publique, en tentant de rendre fondamentale cette association pour former une sociĂ©tĂ© dans laquelle il y ait plus de justice sociale. Rendre possible l’application des instruments locaux de rĂ©solution des conflits, sans mettre de cĂ´tĂ© les mĂ©canismes formels dĂ©jĂ existants, a pour objectif de renforcer l’autonomie et l’indĂ©pendance des habitants des communautĂ©s pauvres dans la recherche des solutions aux problèmes qui les concernent. On entend souvent dire, parmi les membres du projet et des associations, que le projet “ Vitrine des droits ” est plus qu’un espace alternatif d’accès au pouvoir judiciaire, de rĂ©solution des conflits, d’apprentissage et de discussion sur les droits et devoirs ; qu’il est une vĂ©ritable porte ouverte Ă l’exercice de la citoyennetĂ©, un espace communautaire favorisant la construction d’une culture de paix et de solidaritĂ©. (1) Traduction du brĂ©silien “ carentes ” (2) Traduction du brĂ©silien “ Balcaõ de Direitos ” (3) Habitants de Rio de Janeiro