CIJ
Le texte qui suit est tirĂ© du Manuel de la CIJ (Commission Internationale des Juristes) intitulĂ© “ Manuel de formation de parajuristes pour l’Afrique ”. Un parajuriste est un agent communautaire qui possède les notions fondamentales du droit et de ses procĂ©dures, ainsi que la motivation, les attitudes et les compĂ©tences nĂ©cessaires pour : - mettre en Ĺ“uvre des programmes Ă©ducatifs destinĂ©s Ă sensibiliser les personnes dĂ©favorisĂ©es Ă la connaissance de leurs droits humains ; - aider les gens Ă crĂ©er des organisations populaires pour revendiquer leurs droits ; - fournir des conseils et une aide pour rĂ©soudre les problèmes juridiques fondamentaux et de sĂ©curitĂ© sociale ; - faciliter la mĂ©diation et la rĂ©conciliation dans des questions litigieuses ; - conduire des investigations prĂ©liminaires dans des affaires destinĂ©es Ă ĂŞtre transmises Ă un avocat ; - aider l’avocat en lui apportant des dĂ©clarations Ă©crites, des preuves pertinentes et d’autre informations relatives Ă l’affaire. Formation des parajuristes Les formateurs qui sont eux-mĂŞmes des juristes ne sont souvent pas prĂ©parĂ©s Ă assumer la dynamique de la relation entre le droit et les problèmes des couches dĂ©favorisĂ©es de la population. Un problème spĂ©cifique tient au fait que dans leur formation, les juristes n’ont pas Ă©tĂ© formellement prĂ©parĂ©s aux aspects du droit touchant les couches dĂ©favorisĂ©es ou, de manière plus importante, aux philosophies qui sous-tendent la fourniture des services juridiques. Par ricochet, cette situation influe sur le cadre global de formation des parajuristes. Le fait de former des parajuristes dans un cadre purement lĂ©galiste ou sur un modèle de besoins juridiques s’est avĂ©rĂ© inappropriĂ©. Compte tenu des rĂ©alitĂ©s sociales des pays en dĂ©veloppement, il serait plus appropriĂ© de former les parajuristes selon la double approche du droit et du dĂ©veloppement. Ces deux approches sont examinĂ©es ci-dessous : 1) Les modèles classiques des besoins juridiques Cette approche perçoit le droit comme Ă©tant adaptĂ© Ă chaque individu, pour autant qu’on le rende plus accessible. Selon les dĂ©fenseurs de cette approche, il existe simplement un besoin pour un nombre accru de juristes. Cependant, ce besoin n’est pas satisfait Ă cause d’obstacles Ă©conomiques, gĂ©ographiques, sociaux ou psychologiques. La solution serait alors de fournir une assistance juridique aux individus qui n’ont pas les moyens de se procurer un conseil juridique. Des programmes sont coordonnĂ©s avec des organismes prestataires de services sociaux , des organisations d’assistance juridique et des organisations du barreau, l’idĂ©e Ă©tant qu’une telle assistance juridique devrait fonctionner sur le mĂŞme modèle que les cabinets d’avocats privĂ©s. L’accent est davantage mis sur les problèmes des individus que sur des notions telles que la rĂ©forme juridique, l’organisation et la gestion communautaires ; l’action visant des groupes spĂ©cifiques Ă©tant considĂ©rĂ©e comme une activitĂ© politique. L’éducation communautaire, lĂ oĂą elle est entreprise, est conduite dans le but d’aider les gens Ă Ă©viter les pièges juridiques habituels dans leur vie quotidienne, et de les sensibiliser aux situations dans lesquelles il est nĂ©cessaire de consulter un avocat. L’effort consistant Ă n’enseigner que les droits formels garantis par la loi – que ce soit sous forme de brochures, de confĂ©rences ou de sĂ©minaires – exclut les rĂ©alitĂ©s contextuelles et transforme souvent le message juridique en un discours sans objet ou de pure forme. En substance, l’approche des besoins juridiques Ă©quivaut simplement Ă une perception pyramidale du problème. 2) L’approche combinant le droit et le dĂ©veloppement Cette approche s’inscrit en faux contre l’idĂ©e que le droit est adaptĂ© Ă tout individu et qu’il suffit, d’une part de le rendre plus accessible aux personnes dĂ©munies des moyens d’assumer des frais judiciaires, et d’autre part de sensibiliser ces gens Ă leurs droits. Au contraire, le droit est perçu au regard du rĂ´le qu’il joue en ce qui concerne la rĂ©partition de la richesse, le pouvoir, les inĂ©galitĂ©s croissantes, et au regard des possibilitĂ©s de faire appel Ă la loi pour combattre l’injustice. Cette approche est plus spĂ©cifiquement axĂ©e sur les problèmes de groupes que d’individus. La justification tient au fait que les groupes dĂ©favorisĂ©s ne devraient pas ĂŞtre isolĂ©s les uns des autres. Dans la mesure oĂą la perception de l’individu imprègne une sociĂ©tĂ©, les gens ont tendance Ă se tourner vers des solutions individuelles pour rĂ©gler leurs problèmes. L’approche privilĂ©giant le groupe prĂ©sente l’avantage de rassembler des personnes ayant des problèmes similaires, et de permettre de trouver des solutions qui tiennent compte des intĂ©rĂŞts de groupes particuliers. Ainsi, les problèmes des consommateurs, des travailleurs, des locataires, des femmes, des paysans sans terre prennent une dimension de groupe considĂ©rable. Cela ne veut pas dire que les problèmes des individus doivent ĂŞtre ignorĂ©s, mais il serait inappropriĂ© de s’y focaliser. Contrairement au modèle des besoins juridiques, l’éducation communautaire ne consiste pas seulement Ă faire connaĂ®tre leurs droits aux gens. PrĂ©senter le droit comme une panacĂ©e Ă©quivaut Ă vĂ©hiculer une image fausse concernant son aptitude Ă rĂ©gler les problèmes des gens. Il est en revanche important de prendre en compte les puissantes contraintes sociales, culturelles, psychologiques et politiques qui font obstacle Ă la jouissance des droits. L’objet de l’éducation communautaire est d’aider les groupes et les individus Ă comprendre les limites de l’action en justice. Le rĂ´le de l’éducateur est d’aider Ă mettre en contexte le processus d’apprentissage et de fournir les outils juridiques et techniques pour apprendre Ă utiliser le droit dans la lutte pour le changement.