La mobilisation des femmes pour leurs droits

ADFM




L’Association DĂ©mocratique des Femmes du Maroc (ADFM), Ĺ“uvrant pour la protection et la promotion des droits des femmes, a Ă©laborĂ© depuis sa crĂ©ation des programmes d’action en direction des femmes victimes de discriminations et de violences. A cet effet, elle a dĂ©veloppĂ© une approche privilĂ©giant deux stratĂ©gies-clĂ©s : - la mise en Ĺ“uvre de programmes de prĂ©vention, d’éducation et de promotion de l’égalitĂ© ; - la consolidation de programmes efficaces et adaptĂ©s d’aide, de soutien et d’information aux victimes. Dans cette optique, l’ADFM a crĂ©Ă© en 1997 le centre NEJMA – centre de formation, d’information et d’assistance juridique - pour les femmes victimes de discriminations et de violences. Le centre est nĂ© pour rĂ©pondre Ă  une nĂ©cessitĂ© lĂ©gitime Ă  laquelle l\’autoritĂ© publique compĂ©tente n\’a pas apportĂ© de solution. Le centre est un espace d’accueil des femmes en difficultĂ© qui sont souvent dans des situations prĂ©caires et de grande dĂ©tresse psychologique. Il leur offre une Ă©coute, de l’information et de l’orientation juridique. Dans les cas extrĂŞmes d’indigence, le centre offre l’assistance juridique auprès des tribunaux. Le centre a pour objectif de faciliter l’accès des femmes Ă  l’information sur leurs droits (action de proximitĂ©), de mettre en Ă©vidence les carences des lois existantes (action de plaidoyer) et de contribuer au renforcement des capacitĂ©s des associations en matière d’écoute juridique (action de formation). Ces trois activitĂ©s constituent les piliers de la mission et de la raison d\’ĂŞtre du centre NEJMA. Ils justifient sa dĂ©marche, structurent la fonction d\’assistance et lui procurent un caractère concret et perceptible par la femme elle-mĂŞme. Le centre assure des permanences juridiques gratuites, et ce, six jours par semaine (du lundi au samedi matin). Il est composĂ© de 3 structures : - structure d’écoute : composĂ©e de trois parajuristes chargĂ©es de l’écoute, de l’orientation et de l’information des plaignantes ; - structure d’assistance juridique : constituĂ©e de trois avocates qui assurent une permanence 2 fois par semaine, le rĂ´le de ces dernières est d’informer les femmes sur leurs droits et de les aider dans leurs procĂ©dures juridiques. - structure de promotion : constituĂ©e des membres bĂ©nĂ©voles de l’association qui veillent Ă  la rĂ©alisation des outils de travail (guide juridique…) et l’organisation des campagnes de sensibilisation et de plaidoyer pour le changement des lois discriminatoires . Pour les consultations juridiques, le centre NEJMA adopte une approche participative qui inclue les femmes dans tout le processus de la consultation, c\’est une approche basĂ©e sur le respect des besoins, intĂ©rĂŞts et choix des femmes. Les parajuristes du centre ne disent pas aux femmes qu\’elles doivent quitter un homme violent, ou conduire leurs affaires devant un tribunal…. C\’est Ă  elles de prendre une dĂ©cision qui touche leur vie et celle de leurs enfants. Il s\’agit d\’un point crucial car les mauvais traitements qui ont Ă©tĂ© infligĂ©s aux femmes ont Ă©branlĂ© leur estime de soi et leur sentiment d\’ĂŞtre capables de mener leur propre destin ; et ceci non pas parce qu\’elles ne voulaient pas prendre leur vie en main mais parce que ce contrĂ´le leur a Ă©tĂ© retirĂ© au moyen de la terreur et des mauvais traitements. Le centre a aussi une vision fĂ©ministe pour le traitement des problèmes des femmes : il n\’est pas un bureau de plaintes qui donne des conseils techniques fournis par des techniciens de droit en limitant ses services aux rĂ©ponses et aux solutions purement juridiques issues directement des lois et codes existants ; dans la mesure oĂą, d\’une part, la plupart de ces derniers sont discriminatoires et ne garantissent pas les droits fondamentaux des femmes, et d\’autre part, la nature des dossiers prĂ©sentĂ©s au centre relève de l\’interdit comme par exemple la grossesse hors mariage, les enfants “illĂ©gitimes”, quitter le domicile conjugal... Se limiter aux services purement juridiques qui est pour nous une dĂ©marche rĂ©ductrice veut dire ne pas rĂ©pondre Ă  la majoritĂ© des cas qui se prĂ©sentent au centre et ne pas aider les femmes. Outre les consultations juridiques qui ont pour objectifs de rĂ©pondre Ă  des besoins urgents, individuels et spĂ©cifiques, le centre est en train de dĂ©velopper un programme d\’alphabĂ©tisation juridique. Ce programme sera Ă©laborĂ© en fonction des prioritĂ©s, des besoins et des intĂ©rĂŞts exprimĂ©s par les femmes. Le programme va englober des informations sur les moyens d\’utiliser les lois pour protĂ©ger les femmes, par exemple, contre la violence ou les abus sexuels, sur les dĂ©marches permettant d\’obtenir la garde des enfants, pour protĂ©ger et exiger le droit Ă  la propriĂ©tĂ© en cas de divorce ou de dĂ©cès du mari. Le programme donnera des explications sur les structures du système juridique, les procĂ©dures et la terminologie en vigueur. Il est important que les femmes soient Ă©galement conscientes des insuffisances des lois qui parfois peuvent se retourner contre elles. L\’objectif du programme est aussi d\’encourager les femmes Ă  rĂ©flĂ©chir de manière plus critique Ă  leur propre condition, de les aider Ă  poser et Ă  se poser des questions, Ă  dĂ©velopper en elles mĂŞmes la confiance et l\’estime de soi, Ă  prendre des dĂ©cisions, Ă  mieux contrĂ´ler leur propre vie, Ă  acquĂ©rir plus d\’autonomie et Ă  maĂ®triser les moyens d\’amĂ©liorer leurs conditions de vie, Ă  les aider Ă  rĂ©soudre les problèmes immĂ©diats, en bref les inciter Ă  l\’action… Comme je les ai dĂ©jĂ  mentionnĂ©s, notre stratĂ©gie et notre travail ont pour objectif de rendre les femmes autonomes. Cet objectif commence Ă  se rĂ©aliser, et ce par la constitution de groupes de femmes. Ces groupes, deux pour le moment, sont composĂ©s d\’un ensemble de femmes qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© des services du centre et qui veulent agir sur des thèmes spĂ©cifiques. Actuellement, il y a le groupe de la nationalitĂ©, c\’est-Ă -dire les marocaines mariĂ©es Ă  des Ă©trangers et qui ne peuvent pas octroyer leur nationalitĂ© Ă  leurs enfants ; le deuxième groupe est constituĂ© de femmes en cours de divorce et qui sont privĂ©es de leurs enfants. Ces deux groupes sont abritĂ©s par notre association qui leur fournit tout ce qui est logistique et leur facilite les contacts, sans intervenir sur leurs dĂ©marches de travail et de mobilisation. Le groupe de la nationalitĂ© a dĂ©jĂ  entamĂ© des contacts avec le Ministre de la Justice, Ministre des Affaires Islamiques et le Ministre des Droits de l\’Homme. Ce mĂŞme groupe va assister Ă  l\’activitĂ© que compte organiser l\’ADFM avec un groupe parlementaire qui a prĂ©sentĂ© un projet d\’amendement relatif Ă  cette question. Le deuxième groupe a optĂ© pour la mobilisation. Dans ce sens, il a organisĂ© un sit-in le 16 octobre 2002 devant le tribunal de première instance de Rabat auquel ont participĂ© des centres juridiques, des associations fĂ©minines et des associations de droits humains. Actuellement, elles prĂ©parent une lettre au Ministre de la Justice et discutent pour une rencontre avec le ComitĂ© Consultatif chargĂ© de la rĂ©vision du Code du Statut Personnel. Ces femmes et d\’autres femmes qui ont visitĂ© le centre n\’ont plus honte aujourd\’hui de parler publiquement de leurs problèmes et des injustices dont elles sont victimes. Elles participent Ă  des Ă©missions tĂ©lĂ©visĂ©es ou de radio pour tĂ©moigner de leurs souffrances, elles assistent Ă  toutes les manifestations organisĂ©es par l\’ADFM ou par d\’autres associations (journĂ©e de la femme du 8 mars, les 16 jours d\’activisme contre la violence faite aux femmes, 1er mai…). Il y a mĂŞme une femme qui vient de publier un livre oĂą elle raconte son problème et son expĂ©rience avec les tribunaux et les procĂ©dures judiciaires. Pour conclure, je dois dire que les stratĂ©gies de base communautaire doivent viser Ă  donner aux femmes des moyens d\’action, Ă  modifier les croyances et les attitudes qui permettent un comportement abusif, car c\’est seulement quand les femmes obtiendront leur place de membres Ă  part entière de la sociĂ©tĂ© que tout type de violence contre les femmes (institutionnel, physique, moral…) ne sera plus une norme invisible mais, bien au contraire, une aberration choquante.


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Mots-clés Action collective - Changement social - Droits des femmes - Formalisme juridique - Mobilisation populaire -

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