La population, les consommateurs, les juges et la majorité des juristes s’accordent sur le fait que le système de résolution des conflits au Bangladesh, surtout dans les zones rurales, nécessite des réformes et qu’il serait temps de le faire évoluer afin de répondre aux besoins de la population rurale. Le système juridique du pays est en l’occurrence perçu par sa population comme très compliqué et très lent, au point où les gens préfèrent éviter d’y recourir. L’accès à la justice reste un problème majeur pour la majorité des pauvres qui n’ont pas les moyens de couvrir les frais de justice, les honoraires des avocats ou encore de payer le déplacement de leur village au tribunal. Dans ces conditions, le projet de Gram Adalat ou tribunaux de village, proposé par le gouvernement en 1998, offre un système de résolution des conflits différent, à même d’assurer davantage d’égalité et d’équité. Ce projet, soutenu par tous les acteurs concernés (populations rurales, femmes, juristes, média, ONG, associations de consommateurs...) s’est appuyé sur des propositions soumises par les populations les plus démunies à l’occasion d’une enquête réalisée en milieu rural. Un certain nombre de principes fondamentaux offrant une réponse aux manques constatés du système actuel ont ainsi été mis en avant : le système doit être juste et équitable dans la manière de traiter les parties, offrir des procédures appropriées et peu onéreuses, traiter les litiges rapidement, être compréhensible par toutes les parties, répondre à leurs besoins, être efficace, bien “ressourcé” et organisé. Des mesures concrètes, s’appuyant sur ces principes, ont été proposées : - les procès doivent être évités autant que possible : les parties seront ainsi encouragées à saisir le tribunal seulement en dernier ressort et les règlements alternatifs de conflits seront des méthodes à privilégier. Un fonds d’aide juridique sera, dans ces cas, constitué et mis à disposition ; - les procès doivent être moins frontaux et plus coopératifs : l’ouverture et la coopération entre les parties seront recommandées. Les tribunaux pourront donner un avis défavorable en cas de manque de coopération. Ils devront encourager les résolutions alternatives des conflits et vérifier si les parties se sont comportées déraisonnablement durant la procédure ; - les procès doivent être moins complexes : il y aura une simple série de règles s’appliquant à tous les tribunaux. Elles seront plus simples et les règles spécifiques pour des procès spécifiques seront réduites au minimum ; - la durée des procès doit être plus courte et plus prévisible : les litiges, qu’ils soient d’ordre civil ou pénal, seront jugés, au maximum, en 45 jours et en 5 sessions du tribunal ; - les frais du procès doivent être moins élevés et prévisibles : des frais fixes seront établis et l’absence de représentation légale en réduira considérablement le montant ; - l’accès à la justice doit être plus facile pour les parties ayant des moyens financiers réduits : les procédures simplifiées, informelles et limitées ainsi que la durée réduite des procès, permettront d’éviter les abus pratiqués par les plus riches qui, afin de décourager leurs adversaires, utilisent le temps de manière tactique en augmentant les frais du procès ou en le prolongeant ; - les juges doivent être déployés de manière plus efficace afin qu’il puissent gérer au mieux les procès : ils seront davantage formés, notamment en ce qui concerne les techniques de médiation. La composition des tribunaux devra assurer l’impartialité et l’équité des jugements. D’après l’étude réalisée au sein des communautés à la base, des règles suivantes seront, par ailleurs, établies : - les tribunaux seront composés de trois personnes et devront statuer de façon collégiale ; - ces trois juges seront nommés et aucun d’eux ne devra être membre du gouvernement local ; - une liste de 15 à 20 juges, sélectionnés parmi les noms proposés par des particuliers, ONG, organisations professionnelles, etc..., sera composée, contenant au moins un tiers de femmes ; - au moins l’un des juges devra être résident de la région où le conflit a commencé ou du lieu de domicile de la victime. Au final, ces tribunaux devraient permettre aux gens de se sentir impliqués et intégrés dans le processus administratif et judiciaire plutôt qu’exclus de celui-ci, et l’implication continue des bénéficiaires de ce projet facilitera probablement la mise en place du système.