Movimiento Rumiñahui
1 Le mouvement Ruminahui est né dans les années 90, au départ comme un groupe informel. Il s’est constitué en association en 1997. Le mouvement est composé en très grande majorité d’immigrés, pour la plupart équatoriens, et de quelques Espagnols. 2 Deux axes de travail y sont développés : - un axe de travail visant à améliorer la situation des étrangers en Espagne. Différentes commissions (jeunes, femmes, ...) existent dont l’une orientée vers l’information et l’orientation dans le domaine du droit ; - un axe de travail sur des projets de co-développement visant à limiter les situations à l’origine des migrations forcées des personnes. 3 Les membres du mouvement soulignent l’importance de la place de l’information et de la formation des personnes dans cette lutte, la clef de toute mobilisation résidant dans le fait d’être conscient de ses droits et obligations et d’en avoir connaissance. Il existe, par exemple, certaines dispositions méconnues (comme les directives européennes 2073 et 2048 visant à lutter contre les discriminations) qui pourraient être utilisées pour défendre les droits des étrangers, puisqu’elles sont maintenant transposées dans le droit espagnol. 4 La plupart des personnes migrant en Espagne arrivent de pays où ils n’avaient aucun droit, et sont souvent dans une attitude davantage de résignation par rapport à leur situation que de lutte. Le travail d’information réalisé vise à les amener à revendiquer leurs droits et ce qu’elles souhaitent faire valoir. 5 Des séances d’information et de formation collectives sont donc organisées, animées par les militants du mouvement, eux même sans papiers ou l’ayant été. Les thèmes traités sont décidés par les participants à ces réunions (droit au logement, travail, etc.). Il y a quelques années, Ruminahui proposait également des permanences juridiques individuelles. Devant la charge de travail qu’implique ce type d’action, le mouvement a cependant décidé de favoriser les actions collectives afin de ne pas perdre sa vocation revendicative. Lorsque les situations rencontrées nécessitent un acompagnement individuel, les membres du mouvement orientent les personnes vers d’autres organisations avec lesquelles ils sont habitués à travailler. 6 Les militants du mouvement n’ont pas de formation juridique au départ. Ils se sont formés par eux-mêmes, en lisant collectivement la loi sur les étrangers, en s’informant sur la jurisprudence en cours. Lorsqu’ils se retrouvent confrontés à un problème complexe, ils travaillent en collaboration avec des avocats qui les aiguillent dans la compréhension du droit. 7 Au-delà de l’information des personnes, les membres du mouvement tentent, par différents moyens d’action, allant de la négociation avec les pouvoirs publics ou la rédaction de propositions à des mobilisations collectives, de faire valoir leurs droits fondamentaux (droit au travail, à la sécurité sociale, ...). Les actions visent principalement à faire évoluer la législation en vigueur sur l’immigration. 8 Les membres du mouvement Rumiñahui se sont ainsi impliqués dans le travail mené autour de l’élaboration du nouveau règlement de la loi sur les étrangers. Un travail collectif a été réalisé pour formuler et diffuser des propositions, des amendements à la rédaction proposée par le gouvernement. Certains d’entre eux ont été pris en considération lors de la rédaction finale du texte. Le règlement prévoyait par exemple que pour être régularisé, l’étranger sans papiers devait détenir un contrat de travail depuis un an. Ruminahui s’est battu pour que ce délai passe à 6 mois. 9 Aujourd’hui, Ruminahui dispose d’une certaine reconnaissance auprès des pouvoirs publics. Les membres soulignent que la relation avec les médias de communication a été fondamentale dans les luttes menées, car ceux-ci constituent les principaux diffuseurs des messages et des propositions émises. 10 En 2002, suite au décès de 12 Equatoriens, Ruminahui a été à l’origine d’une forte mobilisation visant à obtenir la régularisation de sans papiers travaillant comme journaliers agricoles dans la région de Llorca. Le mouvement a commencé à diffuser l’information sur les conditions de travail des journaliers agricoles sans papiers. Les employeurs ont eu peur des conséquences de l’embauche de travailleurs non déclarés et ont décidé d’y renoncer. 11 Certains militants du mouvement se sont alors déplacés à Llorca pour tenir avec les journaliers agricoles des réunions d’information sur leurs droits. A la suite de ces réunions, les travailleurs ont décidé d’organiser une marche de 80 km pour rejoindre Murcia, la capitale provinciale. Deux mille personnes ont marché pour exiger leur régularisation. D’autres organisations s’étaient réunies à Murcia pour soutenir les revendications et exiger le respect des droits fondamentaux des travailleurs sans papiers. 12 Un rendez-vous fût obtenu avec le délégué du gouvernement à l’immigration, mais aucune réponse satisfaisante ne fut apportée (la seule proposition émise fut d’offrir un billet d’avion aux sans papiers afin qu’ils aillent solliciter un visa dans leur pays d’origine). 13 Afin de forcer le gouvernement à accepter une régularisation collective, les étrangers sans papiers, appuyés par le mouvement Ruminahui, décidèrent alors de procéder à des occupations, notamment d’églises. La première occupation a été mise en place très rapidement dans une église de Murcia et a duré une semaine. Les conditions de cette dernière ont été difficiles, une centaine de sans papiers et de militants étant enfermés dans un espace très petit. Au bout d’une semaine, il fut décidé d’y mettre fin. Mais de cette première occupation partirent d’autres mobilisations, notamment à Madrid et Barcelone. Les membres de Ruminahui décidèrent de transporter la lutte dans les villes où se trouvaient le pouvoir et les lieux de décision. Au bout de plusieurs semaines de lutte, 450 000 personnes furent finalement régularisées.