Solidarités Paysan Provence
1 Solidarités Paysan est une association nationale de défense des agriculteurs en difficulté créée en 1992 suite à un travail commun entre des associations départementales de défense des paysans en difficulté et la Confédération Paysanne. Elle regroupe des associations départementales ou régionales intervenant localement pour accompagner les agriculteurs en difficulté. Celles-ci, initialement appelées SOS Paysans, ont été créées à partir de 1984, d’abord dans l’ouest, puis dans d’autres régions en suivant la carte des crises agricoles. 2 Chaque association développe des pratiques un peu différentes, en fonction du contexte régional, de la position des tribunaux dans sa région, etc. 3 En Provence, l’association est composée de 9 intervenants salariés : une assistante sociale (qui travaille sur le logement), une comptable qui aide les paysans dans leur propre comptabilité, une personne à l’accueil qui constitue les dossiers avec les agriculteurs et trois « médiateurs ruraux » chargés d’accompagner les paysans dans les procédures et les négociations avec les créanciers. Ces derniers font, en réalité, un travail d’orientation et de conseil juridique. Information, formation et accompagnement juridique des paysans en difficulté 4 Les petits exploitants agricoles ne connaissent trop souvent pas leurs droits, ni leur situation administrative et les différentes aides qu’ils peuvent obtenir. Très fréquemment, les problèmes économiques qu’ils viennent exposer à l’association cachent d’autres problèmes (problèmes familiaux, …). Il est important d’avoir une vision globale de la situation pour que les personnes concernées puissent disposer d’une réelle capacité de choix et pas simplement une capacité de réaction. 5 Solidarités Paysan Provence propose des permanences individuelles aux agriculteurs en difficulté, même si l’association essaie de laisser une place importante à l’action collective. Des sessions d’information sur divers thèmes (accès aux droits sociaux, droits et devoirs des locataires, procédures judiciaires de redressement ou de liquidation, …) sont notamment organisées. Au cours de ces réunions, les gens préparent collectivement leurs plans de redressement, ils s’échangent des conseils. Ils arrivent souvent à formuler les réalités de manière plus compréhensible que lorsque ce sont les permanents qui délivrent les explications. Des relations se nouent, les gens demandent ensuite des nouvelles les uns des autres, même s’il est difficile de dire que de véritables liens de solidarité se créent. 6 Les membres de l’association restent confrontés au problème de l’appropriation de leur situation par les paysans. Certains se trouvent depuis des années dans une situation de négociation permanente avec leurs créanciers et sont complètement « cassés » personnellement. C’est le cas d’à peu près la moitié des gens qui viennent à Solidarités Paysan. Les permanents ont alors souvent l’impression d’agir à leur place, même si la vocation de l’association n’est que d’accompagner. A côté de cela, des paysans parviennent à reprendre leur situation en main et continuent à négocier seuls avec leurs créanciers, sans l’appui de l’association. 7 Les médiateurs ruraux de l’association accompagnent également les paysans au tribunal. Cet accompagnement permet d’obtenir une application adaptée de la loi par les tribunaux. Solidarités Paysan Provence a acquis aujourd’hui une certaine notoriété auprès des tribunaux et des créanciers, qui savent que les plans de redressement proposés tiennent la route et les acceptent donc presque automatiquement. Création et mise en place de nouveaux dispositifs juridiques 8 A partir des problèmes rencontrés sur le terrain par les agriculteurs, Solidarités Paysan réfléchit à des solutions, non pas au cas par cas, mais en essayant de mettre en place des dispositifs applicables à tous. C’est ainsi que, face à la perte de la maison d’habitation lors de la liquidation d’une exploitation agricole, l’association a négocié avec les offices HLM (Habitat à Loyer Modéré) la possibilité que ce dernier rachète l’habitation et que la famille en devienne locataire. Ce processus permet ainsi à la famille de rester sous son toit. C’est un dispositif intéressant, même si psychologiquement cela reste difficile pour les familles d’accepter de devoir payer un loyer alors qu’elles ont été propriétaires toute leur vie. Un suivi social est donc toujours effectué. Une ou deux familles se sont retrouvées en cours d’expulsion. Solidarités Paysan Provence a alors décidé de ne pas s’opposer à ces expulsions, car pour que ce nouveau dispositif fonctionne et que les offices HLM continuent à accepter de racheter les habitations pour les louer, il faut qu’il paraisse fiable. L’association a donc choisi de faire primer l’intérêt collectif sur l’intérêt individuel d’une ou deux familles, pour permettre à l’ensemble des paysans de bénéficier du dispositif. Cela ne l’a pas empêché de se mobiliser ensuite pour le relogement des familles expulsées. 9 De même, l’association est actuellement en train de faire pression sur le Président du Conseil régional pour négocier des dérogations au conditions d’entrée dans le RMI (Revenu Minimum d’Insertion) qui sont particulièrement restrictives et ne conviennent pas à la situation des agriculteurs. Actions sur le droit national 10 Solidarités Paysan mène également des actions pour essayer d’influer sur les lois au niveau national. Il y a quelques années, le travail collectif autour des lois était d’avantage développé au sein de l’association. Les groupes travaillaient sur des propositions de lois à partir de leurs pratiques locales et des problèmes récurrents qu’ils rencontraient sur le terrain. Aujourd’hui, ce travail est plutôt le fait des permanents du siège de l’association. 11 Solidarités Paysan a ainsi travaillé sur différents dispositifs. Il y a d’abord eu la première grande lutte pour que la loi de 1988 sur la faillite des entreprises soit étendue aux exploitations agricoles. Les membres de l’association ont rédigé leurs propres propositions et fait pression sur des membres du gouvernement et des députés pour qu’ils les prennent en considération. 12 A côté des actions auprès des acteurs impliqués dans l’élaboration et le vote de la loi, un travail a aussi été mené auprès des tribunaux. L’association a notamment réussi à obtenir des jugements considérant les agriculteurs comme des commerçants pour que la loi sur la faillite puisse leur être appliquée. 13 Dans toutes ces actions sur le cadre juridique national, il est essentiel de bien identifier au sein des groupes politiques la personne compétente dans le domaine concerné, celle qui pourra vraiment défendre la proposition, pour éviter de perdre trop de temps. Et il faut s’assurer que cette personne sera présente lors du vote de la loi. 14 Des interventions ont également porté sur la loi relative à la poursuite des cautions : auprès du Ministère puis des groupes politiques lors du vote de la loi. L’association a également essayé d’intervenir lors de la parution des décrets d’application, d’abord en faisant pression pour qu’ils soient publiés (ils l’ont été avec deux ans de retard) et ensuite pour que certaines dispositions y soient insérées (réductions des cotisations sociales notamment).