Soutenir l’organisation des femmes sans papiers : l’action du RAJFIRE

Réseau pour l’Autonomie des Femmes Immigrées et Réfugiées




1 Le RAJFIRE est né en 1998 en relation avec la mobilisation des sans papiers et des « sans papières ». Constatant que les femmes avaient eu dès 1996 un rôle actif important dans les luttes des sans-papier(e)s, que pourtant très peu de ces femmes, célibataires ou divorcées, avaient été régularisées et que la « loi Chevènement » de 1998 ne leur serait pas davantage favorable, la nécessité de créer un réseau de lutte pour les femmes s’est imposée. Il fallait qu’elles revendiquent leurs droits et se battent pour obtenir une législation favorisant leur autonomie. 2 Réseau d’associations au départ, le RAJFIRE est ensuite devenu un collectif d’individus, puis il y a environ deux ans, une association (avec un fonctionnement collectif : volonté d’horizontalité). Cette association est uniquement composée de personnes bénévoles, dont aucune n’est juriste professionnelle. Toutes les militantes se sont formées sur le terrain, en lisant directement les lois et circulaires sur les droits des étranger(e)s, en suivant des dossiers de femmes migrantes ou demandeuses d’asile, avec les brochures du GISTI (Groupement d’Information et de Soutien aux Travailleurs Immigrés), ou en participant à des formations organisées sur le droit des étrangers. Travail sur le droit national 3 Une partie du travail consiste à analyser les projets et les lois en vigueur et à essayer de faire transcrire les revendications sur l’amélioration de la situation des femmes sans papiers dans le droit national. Les membres du RAJFIRE perçoivent le droit comme un cadre qu’il faut élargir (déformer, voir faire exploser), surtout en ce qui concerne le droit des étrangers. Le RAJFIRE a en effet pris position dès ses débuts pour la liberté de circulation et d’installation pour toutes et tous. 4 Le réseau a par exemple travaillé en collaboration avec d’autres associations sur le projet de loi relatif à l’entrée et au séjour des étrangers en France. Diverses associations ont réussi à obtenir une modification du projet de loi initial sur un point : les femmes qui ont obtenu un titre de séjour parce qu’elles se sont mariées avec un français ou un étranger résidant en France peuvent ne plus perdre leur titre en cas de rupture de la vie commune, lorsqu’elles subissent des violences conjugales. 5 Le projet de loi a fait l’objet d’une analyse collective de la part des associations (regroupées dans le Comité d’action interassociatif « Droits des femmes, droit au séjour – Contre la double violence ») pour voir comment il était possible d’y intégrer leurs revendications. Le collectif a publié un document présentant l’analyse de la loi et ses propositions. Un rendez-vous avec la conseillère juridique du Ministre a pu être obtenu assez facilement, puisque on était alors dans une période de consultation sur ce projet. Le collectif a notamment pu faire part du problème rencontré par les femmes immigrées qui, en cas de violences conjugales, n’osent pas quitter leur conjoint parce qu’elles perdent alors leur titre de séjour. 6 Des actions ont été menées auprès des députés et sénateurs pour les sensibiliser à ce problème et un amendement a finalement été introduit dans la nouvelle loi. Il n’y a pas encore de droit au renouvellement du titre de séjour pour les femmes qui quittent leur conjoint, ce n’est qu’un pouvoir discrétionnaire du Préfet (qui peut choisir de renouveler le titre de séjour ou non), mais c’est une première brèche que le collectif est parvenu à obtenir. Il faut maintenant se battre auprès de chaque préfecture pour forcer le Préfet à user de ce pouvoir . 7 Actuellement, le RAJFIRE travaille (en collaboration avec la Cimade, Amnesty International, la Ligue des Droits de l’Homme, …) aussi pour que les persécutions sexistes subies par les femmes soient reconnues comme une situation ouvrant le droit à l’asile. Mais pour l’instant la situation n’a pas évolué. Dans ce cas, il ne s’agit pas forcément de changer le droit mais simplement d’obtenir de l’administration une interprétation plus large des textes (Convention de Genève sur le droit d’asile). La difficulté réside dans le fait que les juridictions chargées d’accorder l’asile (l’OFPRA et la Commission de recours des réfugiés) refusent de considérer les femmes persécutées comme pouvant constituer un « groupe social » persécuté ayant droit à l’asile (malgré deux ou trois décisions positives). 8 Pour les membres du RAJFIRE, le travail sur la jurisprudence est plus compliqué à réaliser, surtout dans le domaine du droit des étrangers. L’information est moins facilement accessible, moins lisible et les victoires devant les tribunaux restent très aléatoires. Accompagnement juridique de femmes : passage de permanences individuelles à des permanences collectives 9 Le RAJFIRE organise des permanences juridiques quatre fois par mois, mais les membres du réseau sont parfois débordés. Certaines des femmes étrangères qui viennent aux permanences ont du mal à s’approprier leur situation, elles pensent que les militantes pourront les aider à obtenir des papiers immédiatement alors qu’en l’état actuel de la législation, elles n’ont que peu de chances d’être régularisées rapidement. Il faut alors leur expliquer que la lutte pour la régularisation peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années dans certains cas, et que rien n’est jamais sûr. La situation leur est toujours présentée clairement pour ne pas leur donner de faux espoirs. Les militantes essaient de leur faire comprendre qu’il faut qu’elles se mobilisent pour imposer un changement d’attitude du gouvernement et leur donnent notamment les coordonnées de collectifs de sans papiers et de femmes dans la même situation pour favoriser les actions autonomes et collectives. 10 Le fonctionnement sous forme de permanences juridiques individuelles ne satisfaisait pas pleinement les membres du RAJFIRE. La plupart des femmes viennent seules et finalement repartent seules sans réelles perspectives d’évolution rapide de leur situation. Les militantes ont parfois l’impression d’être un bureau administratif. Le RAJFIRE a donc décidé de mettre en place des réunions collectives, une fois par mois, pour expliquer le fonctionnement de l’association, les luttes qui ont été menées par les sans-papières, les victoires et les difficultés de ces luttes, pour débattre collectivement de certaines situations et favoriser les rencontres entre les femmes afin que des solidarités se créent pour déboucher sur des démarches collectives. 11 Certaines initiatives collectives sont cependant nées : un groupe de femmes algériennes vient par exemple de se constituer. Elles se trouvent toutes dans une situation similaire et ont été déboutées du droit d’asile. Elles se sont rencontrées lors des permanences et fonctionnent maintenant de manière presque autonome. Elles sont en train de réfléchir aux actions qu’elles souhaitent mettre en place, elles interviennent lors de débats publics, viennent témoigner de leur situation, … Plusieurs associations les soutiennent déjà. Elles commencent également à médiatiser leur situation. Deux autres groupes sont en cours de création : l’un concernant les femmes envoyées dans le pays de leurs parents après plusieurs années (10-20 ans) de vie en France, souvent pour être mariées de force. Quand elles parviennent à revenir, tout droit au retour leur est dénié. Le troisième groupe rassemble des femmes victimes de violences conjugales qui voient leur situation administrative se compliquer après la séparation d’avec leur époux.


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Mots-clés Droit des étrangers - Droits des femmes - Lien social - Permanence juridique - Rôle de l’Etat -

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