Projet CHANCE
1 La ville de Naples est marquée par un contexte particulier : à la pauvreté et au chômage qui sévit dans les quartiers populaires, vient s’ajouter la présence de la « Camora » (mafia populaire), qui rend plus difficile la réalisation d’un parcours scolaire par les jeunes ainsi que leur insertion professionnelle. 2 L’Ecole de la seconde chance, mise en place il y a quelques années, vise à rendre effectif le droit à l’éducation pour les jeunes des quartiers populaires. Au-delà d’une simple éducation de base, elle propose un véritable parcours d’apprentissage de la citoyenneté, du rapport au droit et à la légalité. 3 Les responsables de la mise en place de l’école de la seconde chance ont en effet constaté que les jeunes avaient trop souvent une image négative d’eux-mêmes et subissaient ainsi plus facilement des violations de leurs droits élémentaires, particulièrement dans le domaine du travail : heures non rémunérées, acceptation d’un travail à risque sans protections particulières, … L’un des objectifs fondamentaux de l’Ecole de la seconde chance est donc de leur redonner confiance en eux pour qu’ils ne se vendent pas à n’importe quel prix sur le marché du travail. 4 Les jeunes sont généralement confrontés à deux problèmes par rapport au droit : l’illégalité subie (violence dans les quartiers, pouvoir des chefs de quartiers, …) et l’illégalité agie. En effet, si dans leur quartier ou leur travail, ils subissent de nombreuses violations de leurs droits, ils en sont d’un autre côté parfois acteurs, étant entraînés de gré ou de force dans la délinquance par les membres de la Camora. Dans ce cas, il est essentiel de leur expliquer que ce n’est pas parce qu’ils ont perdu certains droits du fait de leurs actes (privation temporaire de liberté, …), qu’ils les ont tous perdus. 5 La loi italienne n’accorde pas beaucoup de droits aux jeunes avant leur majorité (fixée à 18 ans) et les quelques dispositions qui existent en leur faveur ne sont pas suffisamment connues. L’existence de la possibilité de travailler tout en continuant à étudier, en intégrant un parcours de formation professionnelle, est par exemple peu connue des jeunes. Le premier travail des membres de l’Ecole de la seconde chance a donc été de se rendre dans les quartiers populaires dans lesquels la plupart des jeunes avaient rapidement abandonné l’école traditionnelle pour parler de ce droit fondamental à l’éducation et des possibilités existantes d’apprendre un métier tout en gagnant de quoi survivre. 6 Au sein de l’Ecole de la seconde chance, les jeunes ne se contentent pas d’apprendre un métier, ils travaillent aussi sur leur rapport au droit. La première chose pour eux est de participer à l’élaboration de règles de vie collective et d’apprendre à les respecter avant de pouvoir intégrer les règles de vie en société. 7 Un cours de droit est également dispensé à tous les élèves : les lois et règlements, notamment dans le domaine du travail, leur sont expliqués : lois sur la sécurité au travail, la responsabilité, la rémunération, etc., afin qu’ils soient en capacité de créer un rapport de forces équitable avec leurs employeurs et d’analyser s’ils doivent ou non exécuter tous leurs ordres. Ces séances d’information abordent aussi des questions en rapport avec leur vie quotidienne, notamment les relations hommes-femmes qui restent encore trop souvent marquées par la violence, étant donné le contexte dans lequel les jeunes vivent. La pédagogie employée pour cet apprentissage se veut la plus concrète possible : c’est par exemple durant un cours sur la pâtisserie que les jeunes aborderont la question de la réglementation sur l’hygiène, afin de bien faire le lien entre les situations qu’ils seront amenés à vivre au quotidien et le droit. 8 L’éducation au droit de ces jeunes passe aussi par l’éducation de leur famille : ainsi, il y a quelques années, les responsables de l’Ecole de la seconde chance les ont invités à venir rencontrer un juge « anti-mafia » de la ville. Ce juge est venu leur expliquer que même si le jeune s’est mis en dehors de la légalité à un moment donné de sa vie, il conserve ses droits fondamentaux, dont celui de recevoir une éducation lui permettant à terme de s’insérer dans la société. Cette rencontre a permis aux familles de démystifier un peu le monde de la justice auquel elles se trouvent souvent confrontées.