Le Programme pour une Alternative de Justice (PAJ) intervient depuis plus de quinze ans dans le domaine de la justice et des droits humains en Haïti. Animée par le souci d’accompagner le peuple haïtien dans sa quête d’une justice alternative, l’association poursuit trois objectifs principaux : - Contribuer à créer les conditions d’une participation effective à la construction d’une alternative de justice et d’un Etat de droit démocratique - Contribuer aux recherches relatives à la pratique du droit et au droit informel, qui sont support de l’évolution du droit positif - Contribuer à la transition entre le système actuel et la nouvelle justice en promouvant l’usage alternatif du droit. Pour atteindre ces objectifs, PAJ a déterminé trois axes d’intervention : un axe qui repose sur l’information et la formation, un autre tourné vers des activités de recherche en lien avec la vie quotidienne des populations et un axe d’intervention portant sur la production de matériels didactiques. Constatant que la plupart des projets étaient menés à la capitale, Port-au-Prince, PAJ a choisi d’intervenir principalement en milieu rural. Comprendre le rôle, les enjeux et le fonctionnement du droit PAJ a choisi d’orienter l’un de ses axes d’action vers la recherche. Ce travail doit permettre de construire une analyse précise de la réalité quotidienne des haïtiens, des enjeux existants autour du droit et de son utilisation par les populations, pour trouver avec elles les moyens d’améliorer leurs conditions d’existence. Un appui est notamment donné à des étudiants en sciences juridiques, qui sont régulièrement associés aux actions de PAJ, afin qu’ils puissent accompagner la population dans sa quête de justice. PAJ intervient dans la formation de ces étudiants, notamment sur la philosophie du droit, pour travailler sur leur perception de ce dernier. PAJ souligne que le droit ne peut certes résoudre tous les problèmes sociaux mais qu’à partir du moment on parvient à le démythifier, il constitue un outil intéressant pour construire une société plus juste. Former les paysans à leurs droits grâce aux cliniques juridiques Il y a quelques années, PAJ avait axé son travail sur la formation de « para-légaux » (équivalent des para-juristes) : certains membres des communautés paysannes avaient reçu une formation sur le droit et les moyens de l’utiliser et étaient chargés de transmettre cette connaissance aux autres. Au fil des années, ils ont malheureusement utilisé leur connaissance du droit comme un instrument de pouvoir face aux autres membres de la communauté, faisant parfois payer leurs services très chers... Face à ce problème, PAJ a donc choisi d’arrêter la formation de para-légaux et d’orienter ses activités vers des formations collectives, concernant l’ensemble de la population. Dans le cadre de l’axe « formation », le PAJ réalise ainsi des cliniques juridiques. Ce sont des temps de formation collective qui permettent d’aborder les problèmes vécus au quotidien, de faire le lien avec le droit et de réfléchir collectivement à des solutions. Les thématiques traitées lors de ces rencontres sont choisies par le groupe de paysans qui a sollicité PAJ. Des cliniques ont déjà été organisées sur les thèmes suivants : les actes de l’état civil, la réforme agraire, l’arpentage des terres, les droits de la personne, la situation des femmes et la violence conjugale, la violation des droits humains dans la société haïtienne, etc. La pédagogie de formation choisie par PAJ repose sur l’éducation populaire : il s’agit de partir de l’expérience et du vécu des participants et de s’appuyer sur leurs savoirs. PAJ apporte ensuite des compléments d’information sur le droit et la loi, comment elle est appliquée, comment on peut l’utiliser, sur les modes alternatifs de résolution des conflits, etc. Une analyse de la réalité globale de la société, avec le contexte d’émergence des lois, est également faite pour que les participants aient une vision d’ensemble du problème. L’objectif de PAJ est d’aménager des espaces nouveaux de réflexion critique sur la question de la justice et de son application, dans la perspective de la construction d’une alternative de justice. C’est aussi de permettre aux habitants de s’approprier les questions juridiques et d’utiliser les connaissances reçues lors des cliniques juridiques dans le cadre de mobilisations collectives. PAJ travaille également autour de l’élaboration de « Cahiers de revendications » qui permettent aux habitants d’exprimer les problèmes qu’ils rencontrent, de proposer des solutions, etc. Ces cahiers servent notamment à définir les thèmes sur lesquels une future clinique juridique pourra être organisée. Les cliniques juridiques représentent aussi pour les organisations paysannes qui y participent des espaces d’approfondissement de leur lutte et de promotion de leurs revendications en matière de justice. Elles permettent de créer ou de renforcer les solidarités entre les gens d’une communauté donnée. Pour poursuivre la dynamique créée lors des cliniques, des rencontres d’échanges régionales et nationales ont été organisées entre les organisations ayant participé à l’une ou l’autre des sessions. Cela a permis d’amorcer des échanges entre des organisations de zones différentes à partir des résultats obtenus par les organisations suite aux cliniques dans leur domaine d’action.