La Red de Apoyo por la Justicia y la Paz
Des droits à la base
Partant de la constatation que les secteurs populaires – qui, au Venezuela représentent plus de 60% de la population - sont les plus vulnérables face aux abus de la police ou des forces armées, la Red de Apoyo a décidé d’orienter son intervention vers ces derniers. Les politiques de criminalisation de la pauvreté et la répression des protestations qu’ils organisent les rendent particulièrement exposés à la violation de leurs droits. Le faible niveau d’instruction, les difficultés pour accéder à la justice où la priorité de subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux ont contribué à éloigner les populations les plus vulnérables du droit. Or la Red de Apoyo considère que les profondes transformations historiques qui conduiront au plein exercice des droits humains doivent être impulsées par les secteurs pour lesquels ces transformations sont les plus impérieuses/ nécessaires.
La Red de Apoyo fait donc le pari de convertir le droit entre les mains des plus défavorisés en un outil effectif pour l’obtention de leurs revendications. Cela suppose de re-penser le droit, non plus seulement comme une accumulation de lois abstraites et incompréhensibles pour la majorité de la société mais comme un outil au service de la citoyenneté. L’exercice du droit doit cesser d’être un facteur supplémentaire d’exclusion sociale pour devenir une opportunité et permettre aux populations de prendre conscience de leur rôle dans les affaires publiques. La véritable démocratie repose (pour la Red de Apoyo) sur la possibilité de participer à l’exercice du pouvoir et sur la reconnaissance de chacun comme un être investi de droits. Aussi, est-il important d’exercer ses droits pour pouvoir participer à l’exercice du pouvoir et être un véritable acteur de sa vie.
C’est pourquoi la Red de Apoyo a choisi de mener une action politico-pédagogique de formation aux droits humains et d’organisation pour l’exercice de ces droits à partir des demandes et des nécessités. Connaître les institutions, les instruments et les mécanismes des recours face à l’inaction ou aux abus de l’Etat devient une manière de transformer le conflit social en opportunité pour l’exercice de la citoyenneté et pour rappeler l’Etat à ses devoirs vis-à -vis des citoyens. Les programmes de la Red de Apoyo sont orientés essentiellement vers la diffusion des droits humains dans les communautés à travers des ateliers de formation, des activités de sensibilisation lors de manifestations événementielles et la production de matériel pédagogique. Les formations, initialement ouvertes à l’ensemble des thèmes, étaient dispensées en fonction des demandes formulées par les groupes eux-mêmes selon leurs nécessités communautaires concrètes. Mais face à l’afflux de demandes de formation issues des communautés, la Red a conçu des formations de promoteurs communautaires des droits humains afin de doter les personnes des communautés impliquées dans une organisation locale de connaissances sur les thématiques relatives au droit auxquelles elles sont le plus confrontées au quotidien. Ces formations destinées à renforcer l’organisation des communautés à la base pour qu’elles puissent se défendre collectivement sur le terrain du droit ont souvent abouti à la constitution de comités communautaires de droits humains. Au cours de ces formations, la Red a développé toute une pédagogie basée sur l’expérience des participants et destinée à encourager l’action.
La formation des promoteurs communautaires des droits humains : une formation pour l’action
Les formations de promoteurs communautaires sont destinées à toute personne impliquée dans une organisation communautaire et désirant inclure la thématique des droits à son travail quotidien ou à des personnes qui désirent s’impliquer en faveur des droits dans leur communauté. Ces formations sont guidées par trois principes de base : le promoteur doit connaître ses droits fondamentaux et ceux de la communauté, savoir s’en prévaloir et les défendre ; il doit permettre d’encourager la création d’espaces d’organisation communautaire pour la défense des droits et la formation ; il doit adopter une attitude cohérente par rapport aux principes enseignés. Les formations valorisent au maximum les expériences vécues par les participants. Il est essentiel pour la Red de Apoyo que l’éducation aux droits humains parte de l’expérience concrète à laquelle elle doit aspirer à retourner. C’est un apprentissage à partir de l’action, destiné à l’action, centré sur les conditions réelles de l’action, c’est-à -dire l’existence quotidienne des personnes, que la Red tente de problématiser, en reconnaissant les contradictions et les carences de la vie quotidienne mais aussi ses potentiels. Cela se traduit lors des formations par un aller-retour permanent des livres à la pratique, de la pratique à la discussion, de la discussion aux livres et à la réflexion collective, de la réflexion collective à la confrontation personnelle et au retour à la pratique. A la fin du cours, les participants doivent monter un projet pour mettre en pratique leur apprentissage.
L’objectif de la formation est donc de permettre aux personnes d’adopter des positionnements critiques face aux insuffisances du système, aussi bien sur le terrain politique qu’économique et social. Ces positionnements doivent pouvoir se traduire par la mise en place de projets concrets. Ce travail n’a pas été exempt de tensions entre la dimension individuelle et collective. Il est essentiel de trouver un équilibre (qui est toujours dynamique) entre ces deux dimensions. Il faut rechercher le développement des personnes qui participent à la formation sans jamais oublier que les formations doivent favoriser l’organisation collective, le renforcement des mouvements sociaux, et les différentes instances associatives et d’exercice de la citoyenneté.
« Il n’y a pas d’éducation aux droits humains en dehors des droits humains »
Face aux processus actuels de dépolitisation de la question des droits, la Red de Apoyo por la Justicia y la Paz, revendique son positionnement politique. Consciente que l’éducation n’est jamais neutre car la compréhension que chacun a de l’humanité et des droits est nécessairement déterminée par la perspective dans laquelle il se situe, la Red conçoit l’éducation comme un processus intentionné vers la construction sociale et politique. L’éducation se trouve au cœur des relations de pouvoir. C’est pourquoi, la première chose à faire en matière d’éducation aux droits humains est de remettre en cause la conception traditionnellement instrumentale de l’éducation et de questionner les modèles jusqu’à présents considérés comme naturels.
L’éducation aux droits humains est intimement liée à la construction de la citoyenneté, à l’émergence des conditions de développement, à la construction d’une démocratie participative réelle et concrète. L’éducation aux droits humains, en tant que formation pour l’action, repose sur la croyance dans les capacités humaines. Elle doit favoriser la formation d’attitudes, de valeurs et de compétences pour l’action. Tout ce qui est considéré comme essentiel dans l’éducation aux droits doit être présent dans le processus éducatif lui-même par l’incorporation des valeurs des droits humains dans la pratique éducative. Maintenir la cohérence entre ce qu’on dit, ce qu’on pense, ce qu’on vit nécessite un auto-examen permanent de la part des formateurs. C’est pourquoi, dans cet effort de cohérence entre les moyens et les finalités de l’action, la Red met l’accent sur la reconnaissance de l’autre lors des formations et sur la participation de tous de manière horizontale.
Aujourd’hui, ce sont les comités des droits humains qui mettent en place eux-mêmes les formations aux droits humains à destination du public. Les ateliers de formation de la Red sont surtout destinés à renforcer les comités déjà constitués où à encourager la formation de nouveaux comités. Lors de la rencontre annuelle qui réunit les membres des comités, la Red appuie la formulation des objectifs et des stratégies qui varient en fonction des contextes spécifiques des comités. Chacun y renforce sa formation par l’échange d’expériences.