Le Centre Vicente Cañas est un centre social nĂ© en 1999 dans la zone sud de Cochabamba, Ă l’initiative de la paroisse de Santa Veracruz tenue par des prĂŞtres issus de la mouvance progressiste de l’Église. Dès le dĂ©part, son objectif est d’offrir un appui multidisciplinaire et intĂ©gral aux populations de ce territoire, oĂą 95% de la population vit sous le seuil de pauvretĂ©.
La zone sud est marquĂ©e par la prĂ©sence d’anciens mineurs qui se sont massivement repliĂ©s vers Cochabamba après la fermeture des mines de la rĂ©gion de Potosi et de La Paz dans les annĂ©es 80, improvisant des quartiers sur des terrains pĂ©riurbains. On recense Ă©galement un grand nombre d’habitants arrivĂ©s Ă cause de l’exode rural. Aujourd’hui, la plupart des habitants sont des occupants sans titres. Beaucoup d’entre eux souhaitent partir vers l’Espagne, le BrĂ©sil et l’Argentine. Dans cette zone, la majeure partie de la population n’a pas accès Ă l’eau, ni aux services de collecte des dĂ©chets ; les Ă©quipements publics sont très dĂ©ficients, l’accès Ă l’électricitĂ© partiel, la sĂ©curitĂ© des populations autogĂ©rĂ©e et la pollution est criante.
Les activités du centre Vicente Cañas se répartissent en deux axes : un axe de programmes sociaux et familiaux (Programme Migrations, Programme d’éducation juvénile, Programme de lutte contre les violences intrafamiliales et Programme d’attention aux personnes handicapées) un axe d’appui aux organisations sociales et de quartier (Micro crédit, pouvoir local et formation)
Le programme Pouvoir local : appuyer la revendication collective des droits des habitants de la zone sud
Le programme Pouvoir local s’inscrit dans le cadre d’un programme national appuyé par OXFAM Hollande et le Secours Catholique France et coordonné par l’Union Nationale d’Institutions pour le Travail social (Unitas). Il vise au renforcement des organisations de quartier et locales afin qu’elles puissent participer à la vie de la communauté à travers la définition et le contrôle de l’action publique.
Dans des logiques de peuplement urbain qui obĂ©issent Ă des stratĂ©gies de conquĂŞte du droit Ă la ville, le programme pouvoir local restitue aux habitants leur capacitĂ© d’action collective.
Le Centre Vicente Cañas, à travers ce programme appuie les populations pour la résolution de leurs problèmes à travers toute une série d’outils d’accompagnement qui vont de la formation à l’investigation participative et, surtout à la communication.
Les outils utilisés par le Centre Vicente Cañas
Trois outils sont utilisés : La communication éducative, afin de développer une information critique L’investigation participative, afin de permettre aux populations concernées de développer leur propre connaissance de leur environnement pour le changer. L’éducation et la formation.
La communication au service des droits : les NICOPs
Afin de repĂ©rer les problèmes des quartiers sud, de les diffuser auprès de l’ensemble des habitants de la ville, et de renforcer le sentiment d’appartenance Ă un quartier parmi les habitants, le Centre Vicente Cañas a crĂ©Ă© un dĂ©partement de communication très performant. Journal, internet, diffusions radios, petits films sont autant de canaux pour exprimer les mĂ©contentements, dĂ©noncer les violations de droits, diffuser les luttes collectives, interroger les responsables de ces violations… Souvent les moyens de communication servent d’outils de mĂ©diation avec les pouvoirs publics ou les entreprises municipales en charge de la gestion des services publics. Le Centre Vicente Cañas a Ă©galement formĂ© des communicateurs populaires, les NICOPs1 qui sont des jeunes issus du quartier. Leur objectif est d’influer sur la prise de conscience des personnes des quartiers, notamment des autres jeunes, essentiellement par le biais du théâtre populaire ou du théâtre radio.
Les NICOPs ont Ă©tĂ© constituĂ©s en 2004, dans le cadre du programme Pouvoir local Ă partir d’une proposition faite aux jeunes volontaires qui faisaient du soutien scolaire dans le cadre du programme jeunesse du Centre Vicente Cañas. Au fur et Ă mesure, d’autres jeunes ont rejoint le groupe, souvent Ă la suite d’interventions faites par les NICOPs dans les collèges. Pour assurer l’intĂ©gration frĂ©quente des nouveaux membres, ils se forment entre eux de façon systĂ©matique. Ils sont en gĂ©nĂ©ral une douzaine de jeunes du quartier. Les membres se sont renouvelĂ©s assez frĂ©quemment. Pour formaliser leur engagement et les aider Ă subvenir Ă leurs besoins, ils reçoivent une petite rĂ©tribution. Leur autonomie s’est renforcĂ©e depuis 2007 car ils ont crĂ©Ă© une « table directive » propre Ă leur organisation qui dĂ©finit elle-mĂŞme ses objectifs annuels et ont rĂ©digĂ© des statuts. Ils reçoivent une formation au théâtre, Ă la vidĂ©o, etc. Les NICOPs crĂ©ent leurs propres supports pour dĂ©noncer et crĂ©er du dĂ©bat.
Les NICOPs
Le Centre Vicente Cañas utilise aussi beaucoup l’outil radio. Trois émissions par semaines ont lieu sur des programmes locaux ou nationaux. L’idée est de porter la voix de la zone sud, mais aussi d’inviter les responsables, notamment de l’entreprise municipale des services d’eaux, à répondre à des questions concrètes.
L’auto-diagnostic participatif
Un autre outil fort intĂ©ressant est l’auto-diagnostic participatif. Il s’agit d’une mĂ©thode de recherche-action qui permet aux habitants de la zone sud, appuyĂ©s par des chercheurs et par les animateurs du Centre Vicente Cañas, de crĂ©er leur propre savoir sur les problĂ©matiques du quartier, Ă partir de la mise en commun de leurs expĂ©riences. Ces Ă©tudes sont rĂ©alisĂ©es Ă partir de rĂ©unions et d’enquĂŞtes de terrain, oĂą les habitants sont amenĂ©s Ă se prononcer. Ils participent Ă la construction des problĂ©matiques mais aussi Ă la restitution des conclusions. Les enquĂŞtes donnent souvent lieu Ă des publications, comme celles de l’Ă©tude qui a Ă©tĂ© faite dans le quartier Minero de San Juan, intitulĂ© « ConnaĂ®tre mon quartier ». Ces publications sont prĂ©sentĂ©es de telle forme que les habitants peuvent se les approprier aisĂ©ment et y rĂ©agir.
L’investigation est conçue comme un processus de crĂ©ation des savoirs qui a pour objet la mobilisation Ă partir du partage d’expĂ©riences et de la construction collective d’un socle de connaissances qui revalorise l’identitĂ© des habitants et les invite Ă l’action collective. La construction collective se fait dès le dĂ©part. Les personnes concernĂ©es participent Ă la planification. Le travail des chercheurs consiste principalement Ă mettre Ă la disposition des habitants des outils qui puissent leur permettre de faire des propositions (des schĂ©mas, des cartes communautaires qui permettent de recenser par exemple les services publics ou les carences identifiĂ©es par les habitants...).
L’ accompagnement vers l’autonomie : la formation collective pour les droits
La position du CVC consiste Ă dire que les personnes concernĂ©es doivent s’approprier leurs droits et savoir oĂą les rĂ©clamer. Pour cela, ils prĂŞtent un appui technique destinĂ© Ă leur faciliter l’acquisition des outils pour une meilleure organisation (dĂ©mocratie....). Il s’agit de construire la mobilisation pour avoir plus de poids au niveau politique et non de rĂ©pondre directement aux demandes. Si les personnes concernĂ©es dĂ©cident de construire une mobilisation plus directe (blocage....), le CVC ne se met pas au premier plan de l’action. L’exemple de la mobilisation des habitants du quartier Lomas de Sta Barbara : Ă la conquĂŞte des droits Dans le quartier Lomas de Santa Barbara, oĂą vivent environ 1 200 familles, le Centre Vicente Cañas appuie le comitĂ© de quartier par la formation politique, la formation Ă la gestion de projets, et, Ă travers son dĂ©partement de communication, fait le relais des informations qui concernent le quartier. L’appui du centre Vicente Cañas s’inscrit dans la durĂ©e, Ă travers l’accompagnement aux actions collectives menĂ©es par les habitants, en privilĂ©giant toujours des solutions pacifiques, quand elles sont possibles. Les demandes des habitants de ce quartier portent essentiellement sur l’accès aux services de base. Grâce Ă l’organisation collective de l’assemblĂ©e des voisins de Lomas de Santa Barbara, ceux-ci ont obtenu du gouvernement bolivien d’Evo Morales qu’il construise une superbe Ă©cole dans le quartier, avec les fonds apportĂ©s par la coopĂ©ration vĂ©nĂ©zuelienne. L’école Ă©tant construite sur un terrain sans titre, l’occupation des habitants se trouve donc lĂ©gitimĂ©e de fait. La mobilisation se poursuit cependant actuellement puisque les parents d’élèves doivent exiger que la PrĂ©fecture mette Ă disposition des professeurs dans cette Ă©cole !
Rédaction : Juristes-Solidarités
Contact : Susana Garcia Fundación Uramanta –Centro Vicente Cañas, calle Ernesto Daza 1814 (zona Muyurina, Cochabamba)
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